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ENSEIGNER LA CONVENTION CHEZ LES JEUNES – 4/4

Article 4 : les origines de la convention, évolutions et conséquences sur la pratique du fleuret moderne.

Table des matières afficher

En rédigeant ces articles, je me suis interrogé sur les causes qui auraient pu engendrer cette distorsion entre le Règlement International qui énonce clairement la convention du fleuret et l’arbitre qui applique une règle d’usage très éloignée du texte.

Ce sujet a créé un long débat sur le forum d’escrime-info. Ce fil de discussion intitulé « Violation systématique du règlement technique international par des arbitres », mené par une personne sous le pseudo de Malicia, a été vu plus d’un million de fois. Cette question semble pourtant n’avoir que peu d’écho au plan international.

http://www.escrime-info.com/modules/newbb/viewtopic.php?topic_id=15358

Il peut être intéressant d’analyser la situation en comprenant les différences entre les usages et la loi. Un excellent article sur le sujet « Les usages: un Droit hors la loi » est disponible sur internet :

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03299514/document

Il est avéré en France que la loi prévaut sur l’usage depuis la Révolution française, mais ça n’a pas été toujours le cas. Dans la Rome antique, l’auteur évoque que Cicéron faisait prévaloir la coutume sur la loi. Au moyen Âge on pouvait combiner la loi et les usages et sous l’ancien régime subsistait encore dans certaines provinces l’adage « coutume passe-droit ».

Par conséquent, cette situation propre à l’escrime n’est pas aussi inacceptable que ce qu’on en pense de prime abord.

Cela reste cependant un anachronisme dans une société qui s’appuie sur le respect de la règle. Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer les responsables de la commission des règlements de la FIE, assister et garantir le bon déroulement d’un championnat, en acceptant sans sourciller les décisions du corps arbitral.

On notera que les arbitres internationaux sont choisis et formés par la FIE. Avant chaque championnat, un briefing leur rappelle les points importants du règlement sur lesquels il est nécessaire d’être vigilant. En aucun cas, cette situation ne pourrait être l’œuvre « d’arbitres rebelles » qui voudraient n’en faire qu’à leur tête !

Afin d’essayer de comprendre, j’ai tenté de rechercher « l’origine du mal ». Comprendre l’histoire et l’évolution de la convention, c’est peut-être trouver une explication à la situation actuelle.

Mais d’où vient la convention ?

On retrouve des traces dans les livres anciens et une explication revient fréquemment :

 La convention vient du temps où il n’y avait pas de masques.

Les assauts dans les salles se faisaient alors avec des consignes précises pour ne pas blesser son adversaire. Chacun attaquait à son tour et il était interdit de « tendre », c’est-à-dire de contre-attaquer.

Ambroise Baudry – L’escrime pratique

De la convention

« Autrefois on étudiait avec des fleurets et sans masques… Les élèves attaquaient chacun leur tour et ils étaient obligés de parer… Il était donc formellement interdit d’arrêter. »

Ambroise Baudry – L’escrime pratique – 1893 – Page 62

Jean Joseph-Renaud – Escrime Moderne

« un fleurettiste qui « court après le fer », …ignore, ou n’utilise pas, toutes les ressources de l’escrime classique. Il s’en tient à une convention qui date du temps où les masques n’existaient pas. »

Jean Joseph-Renaud – Escrime Moderne – 1928 Page 118

« Dès 1820, Lafaugère faisait déjà remarquer qu’il n’y avait aucune raison d’attendre la finale: « …On peut aussi bien se garantir par le coup d’arrêt que par quelque parade que ce soit… Ces fausses prétentions tirent leur origine des temps anciens où les masques n’étaient pas encore en usage et où l’habitude était de tirer chacun à son tour… »

Jean Joseph-Renaud cite Lafaugère -Escrime Moderne – 1928 Page 117

La rédaction d’un règlement devient une nécessité.

Au 19ème siècle, le sport devient un phénomène social et toutes les organisations sportives se structurent et réglementent leur pratique.

Créée en 1882, la société d’encouragement de l’escrime tente de rédiger les conventions d’usage admises dans les salles d’armes.

L’excellent livre « Histoire de l’escrime » de Cecile Ottogalli, Gérard Six et Thierry Terret, est une mine d’information. Il nous permet d’appréhender les enjeux et les crises qui ont secoué la structuration de la FIE et impacté significativement la rédaction de la convention.

Auparavant, il y avait des règlements des tournois qui précisaient le nombre de coups de bouton et autres règles du jeu. Néanmoins, trouver un consensus autour des règles de priorité constitue une difficulté qui va concentrer tous les clivages entre les nations et notamment entre la France et l’Italie.

1889 les premières tentatives de rédaction d’un règlement sur la question de la convention

« D’après les conventions admises à la salle d’armes, dans un assaut au fleuret :

1- les coups à la poitrine sont déclarés seuls compter.

2- L’adversaire qui tend sur un coup simple et même sur certains coups composés de pied ferme, est dit avoir tort ; et, s’il y a coup fourré, son coup est annulé au profit de son adversaire …»

Emile andré – Jeu de salle et jeu de terrain , Étude couronnée par la société d’encouragement – art publiée dans L’escrime française 5 mars 1889- page 7

1905 Lors du 3ème congrès international d’escrime, la question de la définition de l’attaque est posée.

Assauts au Fleuret

Attaque

Je crois que ce serait une bonne chose que de définir ce qui constitue une attaque. (Jeux Français et Italiens)

Dans les assauts, il y a généralement différence d’opinion entre les juges, sur le point de savoir si le concurrent avec l’arme italienne a attaqué ou non, parce qu’il a le bras tendu quand il est en garde.

Toute feinte faite avec l’extension complète du bras dans la direction de l’adversaire devrait être considérée comme attaque. »

III congrès international d’escrime -1905 Page 52

On remarque qu’il est question de la garde italienne qui est prise avec le bras allongé.

Cette question montre une divergence importante entre les écoles Italienne et Française. Du fait qu’on n’attaque pas sur un bras allongé, il fut nécessaire d’interdire la garde avec le bras allongé et cet article est encore en vigueur aujourd’hui :

RI T22 -13

« Au fleuret et au sabre, la garde ne peut être prise dans la position en ligne. »

1908 – Règlement des tournois dans le manuel d’escrime d’Emile André

Règlement des tournois :

Art 27 : en cas de coup pour coup, on compte l’attaque comme bonne de préférence au coup d’arrêt, et la riposte de préférence à la remise, à moins qu’il ne soit évident que le coup d’arrêt ou la remise ne soient régulièrement arrivés avant l’attaque ou la riposte.

Emile André Manuel d’escrime 1908 Page 470

1908 – Règlement du ministère de la guerre

Ici on observe une tentative pour stopper les querelles qui font rage en France entre le courant de l’escrime pratique et celui de l’escrime conventionnelle.

La suppression de toutes les conventions :

– à l’exception de celle limitant la surface à atteindre

– coupera court aux discussions inutiles, à celles, en particulier, que provoquait la règle arbitraire qui donne toujours et forcément raison à l’attaque, même quand elle était absolument irrégulière.

Ne pouvant plus s’abriter derrière des conventions compliquées et obscures, le fleurettiste n’oubliera plus désormais que le but à poursuivre n’est pas seulement d’exécuter de jolis coups, mais encore et surtout de vaincre ;

Règlement d’escrime Fleuret Epée Sabre – Approuvé par le ministère de la guerre le 6 mars 1908 – page 6

1914La société d’encouragement de l’escrime s’efforce de réglementer la pratique du fleuret

On notera que le texte reste évasif sur la priorité à donner entre l’attaque et la contre-attaque. La situation est laissée à l’appréciation du jury…

De l’assaut.

Art 3-3 l’action offensive doit exclusivement s’exercer avec la pointe du fleuret.

Des coups doubles.

Art 10-2

Si, dans le courant d’un assaut. Il se produit un coup double résultant d’une « tension » sur une attaque, ou d’une « remise fausse » sur une riposte ou contre-riposte, le coup sera annulé. Si le cas se reproduit … les suivants pourront être comptés à l’actif de l’attaqueur … selon l’appréciation du jury.

Société d’encouragement à l’escrime de la gironde – règlement pour les concours d’escrime 1914

1914 – La toute nouvelle fédération internationale rédige le 1er règlement

Il semble que ce soit bien la FIE qui donne la première vraie définition de l’attaque .

Il est écrit clairement que le bras doit être allongé avant le départ du pied avant, même s’il faut aller chercher cette règle dans le jugement du coup double, petit « f »…

Avec ce style parfaitement abscons et encore utilisé récemment « l’attaqué est considéré comme seul touché … »

Jugement de l’estocade au fleuret

« Le coup double au contraire est la conséquence d’une action nettement fautive d’un des tireurs…

En conséquence :

f) l’attaqué est considéré comme seul touché lorsqu’il effectue, sans se couvrir, une tension sur une attaque simple correctement exécutée, c’est-à-dire avec le bras complètement allongé avant le départ du pied avant.

FIE règlements et statuts 1914 – page 57-60

Cependant, ce sont bien les conceptions de l’école française qui s’imposent à l’époque. La vision transalpine de l’escrime est balayée devant l’influence française au sein de la nouvelle FIE.

Pour le fleuret, en l’absence de toutes décisions prises lors des précédents congrès, Paul Anspach s’engage… en faveur du règlement français :  » A mon avis, ce règlement français est le meilleur (…) je propose que le congrès émette le voeu qu’au fleuret la surface valable soit celle prévue par le règlement Prévost, règlement qui au surplus donne la plus grande latitude aux deux écoles d’escrime au fleuret »

L’Histoire de l’escrime – Cécile Ottogalli, Gérard Six et Thierry Terret – Atlantica 2013 – page 19

1920 – Jeux Olympiques d’Anvers

Malgré cela, en Belgique, l’Italie rafle la mise et termine 1re au tableau des médailles.

1922 – La rencontre Gaudin Nadi au cirque de Paris

Un incroyable rencontre est organisée entre Lucien Gaudin et Aldo Nadi au cirque de Paris qui ressemble à une tentative de revanche sur les JO d’Anvers.

Lucien Gaudin remportera le match sans conteste 20 touches à 11, mais la presse italienne justifiera la défaite en argumentant que c’était les règles françaises qui étaient utilisées…

Vidéo diffusée sur l’excellente chaîne YT de Schlager7 qui rassemble de nombreuses vidéos anciennes d’escrime

1924 – Jeux olympiques de Paris

Ces Jeux olympiques mettent en lumière l’extrême tension qui existe entre les 2 nations phares de l’escrime à l’époque.

« L’escrime française connaît un succès jusqu’alors « jamais égalé ». Pourtant ces résultats sont entachés par deux incidents (l’un dans la finale du fleuret par équipes, entraînant la disqualification des Italiens dans cette épreuve ainsi que le lendemain au fleuret individuel et l’autre dans la finale du sabre individuel) laissant planer le doute d’une injustice et de l’obtention d’une victoire imméritée pour les Français. »

Ottogalli-Mazzacavallo Cécile « l’escrime aux JO de 1924 : le combat des hommes d’honneur », in Terret T (dir.), le Paris des jeux de 1924.

L’excellent article de Mme Karen Bretin : La Gazzetta dello sport et les Jeux de 1924 – les relations franco-italiennes au cœur de la manifestation olympique parisienne, analyse la situation du point de vue de la presse Italienne.

« Si les grandes lignes de ces incidents, dont le récit figure dans différentes publications consacrées à l’histoire des Jeux olympiques, sont désormais assez bien connues, l’approche qu’en fait La Gazzetta dello sport l’est moins. » page 12

« En effet, l’Italie est tantôt présentée comme une nation profondément meurtrie par la guerre et par l’ingratitude de ses alliés, toujours lésée et injustement disqualifiée sur la scène internationale. …si l’on considère en 1920 et 1921 que l’Italie peut légitimement espérer accueillir à Rome les Jeux de 1924, c’est notamment du fait de son engagement dans la Première Guerre mondiale » Page 23

La Gazzetta dello sport et les Jeux de 1924 – Karen Bretin
1924 Fencing at the Olympic Games

L’ensemble des analyses historiques faites sur cette crise nous oriente vers des causes politiques et notamment sur la volonté de revanche de l’Italie qui s’estimait lésée.

Selon moi, ces différends trouvent leurs origines dans les aspects réglementaires et notamment sur la question des conventions. Ensuite le problème soulevé, sert de prétexte pour déplacer l’enjeu sur le plan politique. Les journalistes italiens victimisent leurs sportifs créant une situation de crise qui sert les intérêts nationaux de l’époque.

Ces autres lignes montrent l’importance de la question de l’arbitrage et les différences de conceptions entre les deux écoles :

« Alors que la France est parvenue à prendre quelque avance, une action se produit dont l’arbitrage délicat conduit les différents membres du jury à se réunir. Lorsqu’il s’avère que ces derniers, à l’unanimité, accordent le point au tireur français Lucien Gaudin, son adversaire Aldo Boni et l’ensemble de l’équipe italienne contestent la décision… » page 12

« Ainsi, La Gazzetta dello sport publie tout d’abord entre le 24 et le 27 janvier 1922 une série de trois articles à vocation historique, qui rappelle à ses lecteurs la lutte traditionnelle opposant les escrimeurs italiens et français. Le titre insiste sur les différences profondes qui ont existé (et qui perdurent) entre les deux nations dans la conception de l’escrime et dans les modes de pratique. Ce faisant, il fustige notamment la « préciosité » des Français, partisans d’une forte codification des assauts et de l’adoption de nombreuses règles et conventions jugées inutiles » Page 13.

« La Gazzetta rapporte qu’immédiatement après la sortie des escrimeurs italiens, qui constitue à elle seule un coup de théâtre, un échange entre leur capitaine, Giovanni Canova, et les juges les plus impliqués dans la décision en faveur de Lucien Gaudin, vient encore envenimer la situation. En effet, lesdits juges, interpellés par Canova, se sentent « offensés » et touchés « dans leur dignité personnelle » au point de rédiger et déposer une réclamation contre lui » page 16

« Le rigorisme des juges est encore visé lorsque l’on écrit, suite à l’exclusion d’Oreste Puliti : « Nous ne sommes pas venus avec nos athlètes pour vivre la discipline d’une caserne » page 18.

La Gazzetta dello sport et les Jeux de 1924 – Karen Bretin

Il sera intéressant de mettre en parallèle cette situation et la prise de parole de Giovanni Canova lors du congrès de la FIE de 1930.

1929 Règlements pour les épreuves

4 – Jugement de l’estocade au fleuret

« Le coup double au contraire est la conséquence d’une action nettement fautive d’un des tireurs…

En conséquence :

f) l’attaqué est considéré comme seul touché lorsqu’il effectue, sans se couvrir, une tension sur une attaque simple correctement exécutée, c’est-à-dire avec le bras complètement allongé avant le départ du pied avant.

FIE règlement pour les épreuves 1929 – p35, 37

On retrouve dans ce texte exactement ce qui est dit dans le règlement 1914

1930 Congrès FIE

Il est intéressant de voir à quel point les écoles italienne et française s’opposent. Lors des congrès les débats sont vifs et l’on voit que les conceptions divergent profondément sur des points techniques précis.

Un débat passionnant sur la priorité de la riposte directe et indirecte anime ce congrès.

La France demande que la riposte droite, qui se réalise en 1 temps, soit prioritaire. Et à contrario, la riposte par dégagement qui se réalise en 2 temps selon eux, perd la priorité sur la remise.

Le représentant italien argumente qu’après une parade de tierce, la riposte classique est le dégagement.

Les Italiens utilisent beaucoup plus la tierce que les Français et ripostent naturellement par dégagement. La riposte droite, après cette parade, pose un problème mécanique et technique, notamment si l’on reste en pronation. Il est possible de revenir en supination mais le coudage de la lame amplifie la rotation de la pointe qui s’apparente alors à un dégagement.

La discussion est intense et laisse apparaître les divergences critiques entre l’école italienne et française.

Article 4 – règles et conventions – sera complété comme suit : «  … sur la parade et riposte droite et immédiate de son adversaire

Canova : la riposte normale après une parade de tierce, c’est un dégagement…

Seligman : Nullement

Canova : C’est une riposte normale et admise par le règlement… mais lorsque nous aurons donné cette interprétation… une riposte valable ne pourra plus être faite.

Anspach : pourquoi cela ?

Canova : Parce que ce n’est plus une riposte droite

Anspach : vous pouvez faire toutes les ripostes que vous voulez … à une condition c’est que la remise de votre adversaire n’arrive pas avant le moment où vous touchez.

Canova : La riposte « a cavazione » (par dégagement) est faite en deux temps et l’arrêt fait en un temps en a raison. De cette façon-là, vous tuez le fleuret. C’est bien ce que je dis.

Canova : J’estime que notre règlement a le tort de ne pas suffisamment trancher certaines questions. Il est rédigé de telle façon que telle phrase est interprétée d’une certaine façon par les uns et de toute autre façon par les autres.

En Italie, on donne une plus grande importance à la phrase tandis qu’en France on donne une plus grande importance au temps.

En Italie, pour que le temps ait raison sur la phrase, il faut qu’il arrive nettement avant, c’est-à-dire avec une différence nettement marquée. …

Je suis convaincu que le mieux serait de considérer séparément d’une part le combat d’autre part l’art. Le fleuret, en effet, n’est pas une arme de combat. En escrime au fleuret et au sabre, nous ne faisons pas de combat, mais de l’art qui prépare au combat…

Congrès FIE 1930 – page 59-63

Le représentant italien défend ici le fleuret comme un art, en opposition de la logique française qui met en avant la touche et l’efficacité. Quelques années plus tard, avec la question sur l’électrification, les Français défendront l’inverse !

Giovanni Canova était le capitaine de l’équipe italienne lors de JO de Paris en 2024. Il a toujours défendu ses équipes et ses tireurs et mis en avant les décisions des arbitres.

Ses propos nous éclaire sur la différence fondamentale qui existe entre les deux conceptions de l’escrime. L’une s’attache à « la Phrase » et l’autre au « Temps « .

1955 Règlement technique

L’explication d’une attaque correctement exécutée, c’est-à-dire avec le bras complètement allongé a disparu…

En revanche, le règlement s’est étoffé d’un chapitre sur la terminologie sans pour autant évoquer l’allongement du bras et donc comment juger d’une attaque correcte ou non.

Terminologie

1- Temps – le temps d’escrime est la durée d’exécution d’une action simple.

2 – Actions offensives – Attaque ou riposte , simple : en un mouvement (directe et indirecte), composée: en plusieurs mouvements

3 – Contre-attaques – l’arrêt : il se fait sur toutes attaques… il doit arriver nettement avant la finale de l’attaque (avec un temps d’escrime nettement appréciable)

Jugement de la touche

140 – le coup double au contraire, est la conséquence d’une action nettement fautive d’un des tireurs…

141 – en conséquence, en cas de coup double et s’il n’y a pas de temps d’escrime entre les 2 coups :

142 – L’attaqué seul est touché : a) s’il fait un coup d’arrêt sur une attaque simple …etc

143 – L’attaqueur seul et touché …

FIE Règlement technique 1955

1957 Congrès de la FIE

Le congrès de 1957 adopte définitivement l’appareillage électrique. Les débats sont très intéressants et montrent les tensions entre la France et les autres nations.

Décision sur l’adoption définitive de l’appareil électrique au fleuret.

M. Anspach : messieurs, soyons sérieux : l’escrime pratiquée selon les conventions actuelles ne ressemble en rien à l’escrime conventionnelle d’il y a trente ans … encore moins avec celle du début du siècle. …N’oubliez pas que chaque époque de l’escrime à ses mœurs. …À la belle époque, il fallait de la belle escrime…Aujourd’hui, la jeunesse veut de l’efficacité et non plus de la beauté …

Aujourd’hui, l’époque est au combat, l’époque est au résultat, l’époque veut du sport combatif et ne veut plus de dentelles.

M. Poplimont : Il reste le danger principal, celui de l’avenir de l’escrime au fleuret, le risque de voir la convention disparaître, notamment parce que la priorité de l’allumage de la lampe (priorité chronologique) a tendance à prendre le pas sur la priorité conventionnelle, celle du « temps » d’escrime, qui est l’essence même du fleuret.

M. Levy : SI vous adoptez l’appareil électrique …tout le monde sera forcé contre son gré ou de bon cœur, de faire une arme de combat et de ne plus faire ce jeu qu’était le fleuret classique.

M. D’Oriola : Nous tireurs, nous avons le souci permanent de ne pas voir s’allumer deux lampes, mais une seule afin d’éviter le risque de voir le Président se tromper.

…Nous ne pouvons plus faire d’escrime… nous devons faire que des coups simples, les seuls qui rapportent. …M. Anspach a dit que l’appareil et les assesseurs remplissaient exactement le même rôle. Je ne suis pas d’accord. Les assesseurs indiquaient à quel moment il y avait touche : à l’attaque, à la remise, à la parade riposte, etc. L’appareil indique seulement s’il y a touche et il ne peut pas dire quand…

Faites de l’épée, si vous voulez faire du sport électrique ; mais si vous voulez faire de l’escrime en conservant les conventions, laissez-nous faire du fleuret ordinaire.

M.Drakenberg : Je prends tout à fait au sérieux ces inquiétudes exprimées par la fédération française. … Je me permets de suggérer à cette fédération une autre ligne de conduite.

Au lieu de livrer une résistance jusqu’au dernier soldat… contre le développement du fleuret électrique qui est souhaité par tant de nations moins développées, mais qui représentent une bonne partie de l’escrime mondiale, collaborez avec nous, aidez-nous à maintenir les conventions et à les défendre…

Ce serait une attitude plus constructive, une attitude qui rendrait des services à l’escrime, beaucoup plus que votre résistance actuelle.

M. De Beaumont : L’appareil électrique ne fera pas de mal au fleuret. Croyez-moi ça fera énormément de bien à l’escrime des petits pays, en apportant justice et la sérénité dans vos épreuves.

Par 51 voix contre 19 et 6 abstentions, le fleuret électrique est définitivement adopté pour les compétitions internationales

Congrès FIE 1957 – page 31 à 39

1964 Règlement pour les épreuves

Les articles sont à peu de choses près les mêmes que ceux du règlement technique de 1955. Ce qui semble paradoxal du fait de la mise en place officielle du fleuret électrique en 1957.

Cependant, la définition de l’attaque précise dorénavant la « menace de la surface valable ».

Terminologie

2- actions offensives et défensives

« L’attaque est l’action initiale, menaçant la surface valable de l’adversaire. »

3- Jugement P32

article 237

L’attaqué seul est touché …

L’attaqueur seul est touché…

Règlement des épreuves – 1964

1967 Congrès de la FIE

Lors de ce congrès de la FIE la définition de l’attaque intègre l’allongement du bras en menaçant continuellement la surface valable. Il n’y a hélas pas de traces des débats.

Le texte proposé en remplacement de l’article 10 est modifié comme suit : « l’attaque est l’action offensive initiale exécutée en allongeant le bras et menaçant continuellement la surface valable de l’adversaire. » (Cf. 233 ss et 417 s.)

Après une très longue discussion technique à laquelle prennent part MM. Le Président Kovacs, Basletta, Dulieux, Mangiarotti, Mercier, Balthazar et Güse, le congrès adopte le rapport de la commission.

Congrès de la FIE 1967 – page 39

Challenge Martini 1967

Schlager7

1967 Martini Challenge

1979 Règlement des épreuves

Le règlement des années 70/80, imprimé sous la forme d’un classeur dont on pouvait changer des pages lorsqu’il y avait des modifications, montre une définition de l’attaque conforme aux dispositions du congrès de 1967

Explication de quelques termes techniques

2. Actions offensives et défensives

Art 10

L’attaque est l’action offensive initiale exécutée en allongeant le bras et menaçant continuellement la surface valable de l’adversaire.

Règlement des épreuves 1979

1981 Championnat du monde universitaire

Borella vs Simrnov

West Coast Fencing Archive

Smirnov vs Borella July 1981

1994 Challenge Fabergé

Finale Omnès (FRA) vs Borella (ITA)

Escrime TV

Challenge Fabergé 1994 - finale Omnès (FRA) vs Borella (ITA)

1996 Réédition Escrime Fleuret Epée Sabre – Clery Raoul

On notera la prise en compte de l’attaque « bras court » par Raoul Clery dans la version corrigée de son ouvrage de 1965

« L’attaque simple directe

A : celle au cours de laquelle l’allongement du bras précède la fente.

B : celle dans laquelle le mouvement du bras n’est exécuté qu’à la fin de la fente

C : celle, où l’allongement du bras et la fente s’exécutent simultanément.

Exécution A : conforme aux prescriptions du règlement international….

Exécution B : exécution défectueuse – manière de faire de plus en plus répandue actuellement, surtout chez les féminines – n’a pas un caractère irrégulier

Exécution C : exécution parfaite et la plus rapide

Implication pédagogique :

Les maîtres ont intérêt à habituer leurs élèves à parer ces 3 manières d’exécuter l’attaque simple…

Escrime fleuret épée sabre – Raoul Clery – version corrigée 1996 . P 207 bis

2022 Règlement technique

La situation au fleuret aujourd’hui semble bien établie. Il n’y a presque plus de controverse sur la question de l’attaque. Les arbitres, les tireurs et les enseignants s’accordent alors même que le règlement n’a jamais été aussi explicite.

Sur les 4 critères qui définissent l’attaque, seul le 1er : « action offensive initiale » est respecté. L’usage semble définir comme attaquant le 1er tireur qui prend l’initiative par un déplacement vers l’avant.

Le vidéo-arbitrage, introduit progressivement à partir de 2005, est venu montrer les choses avec objectivité. Il y a de fait moins d’erreurs, mais en revanche le paradoxe entre la règle écrite et le jugement des arbitres apparaît clairement.

Actions offensives et défensives

t.9 Définition :

– L’attaque est l’action offensive initiale exécutée en allongeant le bras et menaçant continuellement la surface valable de l’adversaire, précédant le déclenchement de la fente ou de la flèche (Cf. t.83, t.84, t.85 et t.101 ss)

Fleuret conventions de combat

t.83

a) L’attaque simple, directe ou indirecte (Cf. t.10) est correctement exécutée quand l’allongement du bras, la pointe menaçant la surface valable, précède le déclenchement de la fente ou de la flèche.

c) L’attaque par marcher-fente ou marcher-flèche est correctement exécutée quand l’allongement du bras précède la fin de la marche et le déclenchement de la fente ou de la flèche

d) L’action, simple ou composée, la marche ou les feintes exécutées avec le bras raccourci, ne sont pas comptées comme une attaque, mais comme une préparation, exposant le tireur au déclenchement de l’action offensive ou défensive-offensive (Cf. t.10-11) adverse.

Règlement technique 2022

Le glossaire de l’escrime sportive 2022 – vers un nouveau positionnement fédéral ?

Nous avons observé que durant cette année 2022, la FFE a réécrit un nouveau glossaire : Le« Glossaire de l’escrime sportive 2022 ».

On y trouve une définition de l’attaque, modifiée par rapport au lexique 2008, qui reprend celle des anciens glossaires de 1985 et d’avant.

Cette définition est en rupture avec celle du Règlement international 2022. La condition qui précise « la pointe menaçant continuellement la surface valable » a disparue.

Attaque – glossaire 2022

Action offensive initiale exécutée en allongeant le bras et portée avec un mouvement progressif vers l’avant (fente, flèche, etc.) Elle peut être simple (directe ou indirecte), composée, renforcée d’actions sur le fer adverse.

FFE Glossaire de l’escrime sportive 2022

Attaque – lexique 2008

Action offensive initiale entreprise : en allongeant le bras en menaçant continuellement la surface valable, portée avec un mouvement progressif des jambes vers l’avant.

FFE Lexique 2008

Cette position, si elle est délibérée est surprenante. Elle est en effet, en contradiction avec le RI en vigueur et révèle une divergence entre l’escrime française et la position officielle de la FIE.

En définitive, le fleuret moderne est une arme qui a évolué vers une pratique plus proche de l’école Italienne.

Les conventions du fleuret classique se sont transmissent plus ou moins oralement jusqu’au 19ème siècle.

Les premiers tentatives de rédaction d’un règlement manquaient de clarté et les divergences de vues entre les deux nations phares de l’escrime ont rendu difficile l’écriture d’une règle intelligible et explicite.

Cependant la prédominance de la France sur la FIE a favorisé la rédaction d’une convention plus proche des conceptions de l’école française.

À mon sens, c’est M. Giovanni Canova qui l’exprime le mieux lors du congrès de 1930 :

« En Italie on donne une plus grande importance à la phrase tandis qu’en France on donne une plus grande importance au temps. »

Il ajoute :

«  Le fleuret, en effet, n’est pas une arme de combat. En escrime au fleuret et au sabre, nous ne faisons pas de combat, mais de l’art qui prépare au combat »

Si l’on ajoute cette phrase d’un article de La Gazzetta dello sport :

« des Français, partisans d’une forte codification des assauts et de l’adoption de nombreuses règles et conventions jugées inutiles » 

Essayons de bien comprendre ce qu’a voulu dire M. Canova.

Qu’est-ce que la « Phrase » ?

La phrase d’armes est l’enchaînement d’actions offensives défensives et contre offensives : attaque, parade, riposte… je comprends que pour la vision italienne, l’attaquant reste prioritaire tant qu’il n’est pas mis en échec par une défensive, parade, esquive, retraite.

Qu’est-ce que le « Temps » ?

C’est une durée théorique définie comme la durée d’une action simple. C’est une notion subjective qui varie et n’est pas mesurable… Ce qui signifierait pour la vision française, que celui qui réalise l’offensive peut s’exposer à l’offensive adverse s’il perd un « Temps » et ainsi la priorité. Le Temps se perd si l’attaquant marque un temps d’arrêt, une hésitation, un changement de ligne, une marche de trop, etc.

Si l’on regarde la pratique actuelle, il est facile de constater que le « Temps » n’a plus l’importance qu’il avait auparavant dans le jugement de l’arbitre.

Florence Ducarme, arbitre international, après un échange sur le sujet et je la remercie, soutient que des arbitres, donnent le Temps. Notamment, l’attaque sur la préparation lorsqu’elle est faite en fente ou en flèche sur un adversaire qui marque un temps d’arrêt avec un bras court.

Malgré cela, il me semble que dans la majorité des cas c’est l’appareil électrique qui juge le temps.

À cette question du Temps, s’ajoute qu’aucun des critères de réalisation de l’attaque n’est réellement pris en compte pour juger si l’attaque est correcte ou pas :

  • L’allongement du bras qui précède le déclenchement de la fente ou de la flèche ou la fin de la marche
  • La pointe menaçant la surface valable
  • Les feintes bras raccourci

Au bout du compte, il faut bien constater que la conception italienne du fleuret a pris l’avantage sur la pratique actuelle du fleuret. La réglementation rédigée par les Français qui s’appuyait sur nos conventions et nos conceptions de la discipline sont toujours inscrite dans le Règlement international mais ne semble plus avoir autorité sur la pratique.

Nos conventions, issues des principes du duel, se fondaient sur l’efficacité des coups (allongement du bras, pointe menaçante). M. Canova de son côté, en précisant que pour les Italiens le fleuret n’était pas une arme de combat, bat en brèche ces principes.

Enfin, au cours des débats sur l’électrification du fleuret lors du congrès de 1957, les remarques du Suédois M. Drakenberg sonnent presque comme une menace :

« Je me permets de suggérer à cette fédération une autre ligne de conduite ».

Le résultat du vote, 51 voix contre 19, montre le faible poids de la France, qui s’opposait fortement à cette résolution. C’était sans doute un changement d’époque, la fin de l’hégémonie de la France sur l’escrime.

Les conventions du RI ne sont plus que le souvenir d’un temps révolu qui montre à quel point notre influence fut grande sur ce sport.

Pour conclure

Au-delà du constat, j’estime qu’il serait nécessaire de réglementer un tant soit peu la notion d’attaque au fleuret. Un arrêt (stop) de la progression de l’attaquant devrait constituer une limite à sa priorité. De même si le défenseur trouve le fer. Le monde du fleuret pourrait s’accorder sur ces principes, cela favoriserait la compréhension de cette arme et ainsi la formation des tireurs et des arbitres.

Aujourd’hui, seuls les titres et les médailles permettent d’affirmer la valeur de notre escrime et les équipes de France ne sont pas en reste. Les résultats du fleuret ne cessent de progresser comme on a pu le voir au JO de Tokyo tant chez les féminines que chez les hommes, sans parler des derniers titres mondiaux de Ysaora Thibus et Enzo Lefort.

Fleuret homme équipe : Argent à Rio et Or à Tokyo.

Fleuret dame équipe : Argent à Tokyo.

La France, classée 4ème nation avec 3 médailles à Rio et 2ème nation avec 5 médailles derrière ROC à Tokyo confirme sa bonne santé sportive et c’est de bonne augure avant les JO de Paris 2024.

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