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ENSEIGNER LA CONVENTION CHEZ LES JEUNES – 1/4

Plaidoyer pour enseigner un fleuret classique chez les jeunes, ou comment faire respecter la règle du jeu dans le contexte actuel…

Je propose une série de 4 articles sur ce thème.

ARTICLE 1 : Le fleuret déchu de son rang d’arme d’étude

Dans notre système de formation, le fleuret a longtemps été considéré comme l’arme pour apprendre l’escrime. Depuis quelques années, cette arme d’étude se confond avec le fleuret de haut-niveau. De ce fait, l’interprétation des règles de priorité par les arbitres se répand dans toutes les catégories, diminuant fortement son intérêt pédagogique chez les jeunes.

Les clubs, qui ont déjà une forte tendance à se spécialiser dans une seule arme, ne s’engagent plus dans cette démarche d’apprentissage au fleuret, excepté pour ceux qui le pratiquent.

A l’épée, le poids de l’arme et le manque de flexibilité de la lame rendent l’enseignement difficile malgré l’inventivité des maîtres d’armes. L’acquisition des savoir-faire essentiels, tels que les parades ripostes et les passages de pointes, est compliquée et l’impact de la touche plus douloureux pour l’adversaire ou le partenaire.

Les sabreurs en pâtissent moins, mais cette situation renforce le clivage avec les armes de pointe. Fut un temps où les sabreurs pratiquaient un peu de fleuret au cours de leur apprentissage. J’ai pu constater leur manque de connaissance des armes de pointes lorsque j’étais directeur de l’Institut de formation. C’est un problème pour des maîtres qui, dans de nombreux cas, devront enseigner une autre arme au cours de leur carrière.

Quant aux fleurettistes, ils ont dû adapter leur enseignement afin de « rester dans le coup » d’une arme dont les règles de priorité ont été bouleversées sans que le règlement ne change.

Souvent considérés comme les gardiens des bases de l’école française, n’ont-ils pas fermé les yeux sur la pratique des plus jeunes ?

Lentement et insidieusement, l’arbitrage de ces catégories ne s’est-il pas calqué sur celui du haut-niveau ?

Quelles sont les conséquences de ce changement  ?

Ce changement fragilise l’acquisition d’un socle commun de compétences aux armes de pointes, qui se construisait avec l’enseignement du fleuret dit « classique » :

  • D’abord l’apprentissage de la convention elle-même qu’on retrouve aux 3 armes.
    • Malgré sa faible importance à l’épée, il est fort utile de la connaître et de la maîtriser d’un point de vue tactique.
    • Les arbitres l’appliquent dans quelques cas restreints comme le droit à la riposte du défenseur après dépassement. Dès lors, l’arbitre est bien tenu de comprendre la phrase d’arme, les règles de priorités et pour le moins « qui attaque ».
  • Ensuite, plusieurs savoir-faire techniques et tactiques qui découlent directement de cette convention.
    • L’attaque en fente et en marche et fente avec un allongement du bras conforme, les parades ripostes prioritaires sur les remises, toutes les préparations et les attaques sur la préparation dans le bon temps, l’enchaînement des actions offensives et défensives jusqu’à la contre-riposte qui constitue la phrase d’arme.
    • Les passages de pointes, lors d’attaques composées destinées à tromper les parades, viennent compléter le tableau.
  • Enfin, des compétences évoluées pour les débutants dans les limites des règles de priorité.
    • la contre-attaque sur une attaque non correcte,
    • la fausse attaque pour faire déclencher la contre-attaque et effectuer un contre-temps.

Ce socle commun clair et bien organisé constituait une forme de progression pédagogique, et pour finir, les 2 armes de pointes y trouvaient leur compte.

Au-delà, de ces considérations technico-tactiques, il faut comprendre que des habiletés complexes sous-tendent ces savoir-faire.

La coordination dite bras/jambe : une habileté spécifique de l’escrimeur.

Elle s’observe notamment lors de l’attaque en fente :

  • L’escrimeur doit débuter l’allongement de son bras armé, avant que son pied avant ne décolle du sol pour commencer son mouvement vers la cible.
  • Cette coordination est même intégrée dans la convention et constitue un critère de la définition de l’attaque.
  • Fut un temps, elle était jugée par l’arbitre pour définir si l’attaque était correcte ou non !

Cette coordination est utile également lors de la riposte où le débutant ne doit pas projeter son corps vers l’avant après la parade, mais placer sa pointe et allonger son bras.

Les enseignants savent que cette motricité spécifique n’est pas spontanée.

En effet, tous les débutants ont tendance à s’approcher de la cible avant d’allonger le bras. Ils peuvent même se fendre à fond avant de porter le coup avec le bras. Cette coordination naturelle reste utile en boxe et dans bien d’autres sports ou l’action du bras est consécutive à l’organisation du reste du corps.

En escrime, le bras ne donne pas le coup, c’est la ligne de mire, le moyen de viser et de stabiliser la pointe. L’impact de la touche est alors le résultat de la poussée des jambes.

Chez les tireurs confirmés, d’autres coordinations sont possibles. Cependant, lors de l’apprentissage, il faut impérativement que le jeune escrimeur, fleurettiste, sabreur ou épéiste , parvienne à acquérir cette coordination.

Exercices de précision, coordination Bras/Jambe

Il est intéressant d’expérimenter avec des débutants l’exercice bien connu, qui consiste à toucher, une balle de tennis suspendue à un fil avec la pointe de son arme en marchant ou en fente. Je n’invente rien, cet exercice est souvent utilisé lors d’ateliers de précision. La première réaction de l’élève est de s’approcher en marchant et de porter le coup avec le bras. Le taux d’échec est alors énorme. Ensuite, si l’on amène l’élève de viser d’abord en allongeant le bras puis porter la touche en marchant ou en fente, le taux de réussite augmente alors significativement.

YT CoupDroit Précision Balle et coupelle

Cette coordination constitue une règle d’action dans l’apprentissage et reste un incontournable à l’épée. Excepté pour les tireurs de haut niveau qui sont toujours capables d’agir autrement (voir le coup de tiroir de Romain Canonne) .

Au fleuret, compte tenu de l’interprétation faite de la convention, la pertinence de cette habileté se pose. En effet, lors d’un match, on observe souvent des attaques « bras court ». La pratique semble démontrer qu’il est plus efficace d’engager les jambes pour gagner la priorité et porter le coup avec le bras en finale d’action.

Par conséquent, est-il toujours nécessaire d’enseigner cette coordination Bras/Jambe dans cette arme ?

L’allongement du bras avant le départ du pied, une habileté incontournable d’une grande efficacité.

Les tireurs de haut-niveau, même s’ils se sont adaptés aux nouvelles règles du fleuret, savent tous « tirer droit ». Varier ses actions reste sans doute une clé du succès comme le montre la vidéo suivante.

Julien Mertine vs Andréa Cassara – CIP 2018 France Italie

Cette attaque de Julien Mertine sur Andrea Cassara témoigne à elle seule de la capacité des athlètes à attaquer avec une coordination bras/jambe parfaite.

Mertine Cassara Attaque composée

Des maîtres convaincus de l’importance de cette coordination

Malgré ces interrogations, je n’ai pas de doute que de nombreux MA de fleuret partagent cet avis. La table ronde « enseigner le fleuret chez les jeunes » organisée par la FFE, s’est déroulée le 31 mars 2020. Les participants étaient tous d’accord pour affirmer qu’il fallait continuer à enseigner la coordination bras/jambe.

Table ronde - "Enseigner le fleuret chez les jeunes"

Denis Durand «  mon premier objectif chez les jeunes c’est d’abord la coordination bras/jambe »

Luc Tuloup « le bras doit s’allonger avant les jambes et ensuite le mouvement s’accélère avec les jambes »

Patrice Lhotelier « La fente est primordiale … le jeu de j’allonge mon bras et je me fends…maintenant je fais allonger le bras doucement puis l’accélération des jambes et notamment la poussée de la jambe arrière.

Mais quelle est la valeur de ces propos quand la convention n’est pas respectée en compétition ? Comment faire comprendre à un élève l’importance d’une technique alors même qu’elle est si peu efficace dans le jeu ?

Les maîtres d’armes experts et reconnus sont convaincus, mais est-ce que le résultat est convaincant ?

Article 2 : La compétition et le règlement des jeunes (prochainement)

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