Jean-Pierre philippon

Maître d’armes et professeur d’EPS, j’ai occupé le poste de directeur de la formation de la fédération française d’escrime de 2013 à 2020.

J’anime ce blog aujourd’hui avec l’envie de partager mon expérience, mes réflexions, mes doutes, et l’espoir de mutualiser cet espace afin de proposer des ressources pédagogiques pour tous.

Je souhaite favoriser les échanges en ouvrant les commentaires sur différents sujets et en offrant la possibilité de rédaction d’articles pour ceux qui sont intéressés.

J’ai oeuvré dans cet esprit durant mon passage à la direction technique de la FFE, notamment au travers du site de l’IFFE, mais sans atteindre pleinement mes objectifs. Les 3 tables rondes organisées en mars 2020 lors du premier confinement, dont on peut retrouver la trace ici : TR fleuret TR épée TR sabre, m’ont totalement convaincu de la nécessité d’échanger avec l’ensemble de la corporation sur les questions de formation en escrime. De même, les 3 cadres techniques de mon équipe, les maîtres Dherbilly, Lambert et Chotin, sans lesquels ces tables rondes n’auraient pas pu se réaliser, ont été aussi convaincus de cette nécessité et de la valeur du débat.

Ci-dessous, je présente mon parcours en lien avec l’escrime, non pas qu’il soit d’un grand intérêt, mais mes conceptions pédagogiques en sont l’aboutissement. Cette expérience légitimera peut être certains de mes propos.

Je découvre l’escrime en 1970 à Villeurbanne au sein d’une MJC, avec le maître Andrieu qui entraîne également l’école de santé militaire à Lyon. De ce fait, on accueille parfois Patrick Picot au sein du club et l’on peut ainsi apprécier l’écart entre notre pratique et celle du haut niveau.

Au cours de l’année scolaire 74-75, je rencontre le maître René Soupizet, alors CTR de la ligue du Lyonnais. Rapidement, il m’enrôle dans la formation d’initiateur/moniteur et il sème les germes de ma passion pour l’enseignement.

J’ai été marqué par cette rencontre ; la vision que René Soupizet avait de l’escrime était originale et parfois en rupture avec ce qu’on apprenait. Il abordait souvent les choses sur le plan tactique et savait donner du sens à nos actions.

Tout juste diplômé fédéral, c’est lui qui m’accompagne à la MJC des États-Unis dans le 8e arrondissement de Lyon, pour ma première séance d’initiation escrime avec des enfants de 10 -11 ans. Il me laisse seul dans la salle avec le matériel et je dois faire face à une bande de gones des quartiers qui n’en font qu’à leur tête. Mais je ne baisse pas les bras malgré mes 17 ans.

Cette première expérience m’a immédiatement mis devant des réalités. J’ai alors compris que la technique n’était pas un but en soi et si je voulais « survivre » avec ces jeunes il fallait trouver des clés pour les intéresser.

René est d’un grand soutien, son humanité, son sens pédagogique me permettent de « m’en sortir », et cette expérience devient la quête d’une vie en quelque sorte. Comment parvenir à intéresser un public, quel qu’il soit, le faire progresser, le faire se donner totalement dans cette pratique ? Pourquoi ce sport peut-il être aussi captivant et parfois aussi rébarbatif ?

Je pratique le sabre à l’époque. Mon niveau n’est pas très bon, mais le Lyonnais n’est pas une terre de sabreur et je gagne deux fois ma qualification aux championnats de France. J’atteins les 1/2 finales en cadet, mais les formules de l’époque, sous forme de poulettes, ne sont cependant pas très sélectives.

Néanmoins, ces quelques résultats me permettent de passer le concours d’entrée au Creps de Nancy avec l’option escrime pour suivre la formation de professeur adjoint d’EPS. À l’époque, je présente aussi le concours d’entrée à l’Uereps de Lyon, mais mon choix se porte sur Nancy par attrait pour l’escrime que je veux continuer à pratiquer.

 

Je ne maîtrise pas du tout les conséquences de ce choix notamment au regard de la différence de statut entre celui de professeur d’EPS et professeur adjoint d’EPS. À Nancy les études et l’internat sont pris en charge par un système de bourse automatique qui offre la possibilité à des jeunes issus de famille moins aisée de réussir. Cette année-là, mon père prend sa retraite et le Creps offre cette formidable opportunité de devenir professeur d’EPS, sans connaître les difficultés que l’on constate aujourd’hui dans la filière Staps.

Les cours au Creps ne sont pas très captivants, mais sans doute sommes-nous un peu trop rebelles… Néanmoins, les promotions sont riches de personnalités qui marqueront par la suite le monde de l’escrime, François Pelletier, Philippe Markov, Albin Sirven, Jacques Reilhes, Gille Louisiade, parmi ceux que je connais le mieux.

C’est en sortant de mon véhicule sur le parking du Creps, ce jour de rentrée de septembre 1978, que je rencontre Gilles. Nous sympathisons et partageons notre chambre durant cette première année d’étudiant. Notre amitié est très forte et il reste la personne qui marquera le plus mon engagement dans l’escrime. Il m’inspire et me guide encore.

Immédiatement après mes études, je prends mon poste d’enseignant d’EPS en Franche-Comté, contrairement à la plupart de mes collègues du Creps qui intègre l’Insep pour passer la maîtrise d’armes. Je m’implique alors dans le club de hand-ball local, et délaisse l’escrime durant 5 années. La saturation est en partie à l’origine de cette rupture, mais surtout le manque de réponse à ma quête pour comprendre ce sport et la façon de l’enseigner. 

Néanmoins, cette parenthèse avec l’escrime n’est pas totale puisque je conserve un lien indéfectible avec Gilles. Nous nous retrouvons régulièrement. La pédagogie et l’enseignement de l’escrime sont le centre de nos discussions, et je passe plusieurs étés aux Arcs à ses côtés. C’est l’occasion de mettre en pratique nos idées et de confronter nos points de vue.

Ce que Gilles organise sur la station des Arcs est absolument magnifique. Le concept est novateur et laisse des souvenirs impérissables à tous ceux qui y participent. Ils parleront mieux que moi de l’organisation, des spectacles de la logistique…

Pour ma part, c’est l’innovation pédagogique qui m’enthousiasme le plus. Il faut être capable, en moins d’une heure, de captiver un public qui découvre l’activité. La concurrence avec les autres sports est féroce et ceux qui ne parviennent pas à trouver leur public disparaissent. Chaque situation pédagogique est soigneusement réfléchie afin de captiver, motiver, amuser et surtout fidéliser. De nombreuses situations sont inventées aux Arcs, toutes plus riches les unes que les autres, « Ciel, vie, terre », « tic-tac tac-tic », « les crocos ont les crocs », « marche fente pour toucher, deux retraites pour se défendre », et j’en oublie !

C’est pour Gilles, un laboratoire pédagogique qui s’imbrique dans un ensemble avec ses associations et ses écoles Éole, Edo. Il est alors extrêmement prolifique et il entreprend sans réserve pour faire aboutir ses projets les plus prometteurs.

Ce fut pour moi, une source de réflexion et d’inspiration essentielle.

Je reprends l’escrime à Besançon en 1988 et je passe, un an plus tard, le BEES1 en candidat libre. Le club de Besançon où je m’investis ne me permet pas de faire l’enseignement que je souhaite. Dès lors, je crée le Besançon Université Club en 1991 avec le soutien logistique de l’association de Gilles et quelques proches : Christian Defrasne, Mme Bettinelli. C’est le début d’une aventure dans laquelle je m’implique totalement. 

Le BUC a très peu de moyens et le club historique local aspire l’ensemble des subventions de la ville. Cependant, des partenariats avec des établissements scolaires me permettent d’avoir des salles gratuitement. En contrepartie, le club prête le matériel, favorisant ainsi la mise en place de cycles d’escrime scolaire que je mène dans le cadre de mon métier d’enseignant d’éducation physique.

Durant ces années 90, je mesure enfin le manque de crédibilité du statut de professeur adjoint dans mon milieu professionnel. Dès lors, je reprends les études en Staps et je valide une licence puis je passe le CAPEPS interne ainsi qu’une maîtrise éducation motricité.

Cette reprise d’étude m’aide indubitablement à structurer mes conceptions sur l’enseignement de l’escrime. 

En février 1994, le fils de Mme Bettinelli, Cédric, décède lors de la finale des championnats de Franche-Comté cadets, d’un trouble du rythme cardiaque. Ce drame immense nous dévaste, marque nos vies et affecte le club et tous ses adhérents au plus profond. On ne se remet jamais de la perte d’un élève qu’on a entraîné.

C’est en septembre 1994 que j’obtiens enfin une mutation au collège Victor Hugo, établissement du centre-ville qui accueillait plus d’un millier d’élèves.

Sans attendre, je monte un partenariat entre le BUC et le collège. Le label universitaire m’aide considérablement et je peux installer le club dans le collège au sein d’une installation bien adaptée qui se convertit en salle d’escrime sans effort.  Je rédige à l’époque un premier document sur l’enseignement de l’escrime scolaire « Escrime au collège Victor Hugo « . La formation des professeurs d’EPS devient une priorité pour moi et le reste jusqu’à la fin de ma carrière.

Après avoir formé mes 10 collègues d’EPS, ce sont les 12 classes de 6e de mon collège qui vivent un cycle d’escrime.

À cette époque, je conçois le « jeu des cabanes » qui devient par la suite « l’Educ-Escrime ». Notez que le « jeu des cabanes » est une variante d’une situation pédagogique présentée par Annick Muguet dans « Escrime et EPS même combat ».

Afin de convaincre mes collègues d’enseigner l’escrime et d’inscrire cette activité dans le projet pédagogique EPS, je comprends qu’il faut la transformer pour la rendre accessible aux non spécialistes sans la dénaturer.

L’effet est considérable et chaque année les 12 classes de 6e vivent un cycle d’escrime. Les effectifs du club ne cessent dès lors de croître. Nous participons systématiquement aux compétitions UNSS et les équipes d’AS du collège trustent les titres régionaux et accèdent aux podiums nationaux du sport scolaire.

Cependant, et bien que le club soit imbriqué au sein du collège, je ne me cache pas de vouloir obtenir des résultats sportifs au plan fédéral.

C’est en juin 2000, lors de la fête des jeunes, que le club gagne son premier podium national avec Jeanne Berion qui termine médaillé d’argent à l’épée dame. Dès lors, les années se succèdent toutes riches d’émotions et de résultats. En 2001, une médaille de bronze à l’épée dame cadette par équipe 1re div, puis le titre de championne de France équipe cadette 1re div en 2002 avec Jeanne Berion, Lucie Perrier, Clotilde Note et Lily Grillet.

Ces quatre filles découvrent l’escrime en 6e au collège. Trois sont dans la même classe et gagnent le ‘trophée des 6e » qui permet à des équipes de classes de faire des rencontres d’escrime entre midi et deux au sein du collège. D’autres jeunes ont de beaux parcours et brillent par leurs résultats. Deux d’entre eux sont maîtres d’armes aujourd’hui, Théo Bonaventure et Chimed Abdou / Mfungo.

Le club et le partenariat avec le collège deviennent alors visibles dans le paysage sportif franc-comtois et nous parvenons à créer une section sportive académique.

C’était une étape incontournable pour stabiliser le projet et lui donner la pérennité qu’il méritait. Il eut fallu également transformer mon poste d’enseignant d’EPS en poste à profil, mais hélas cet objectif ne pourra pas être atteint.

Je parviens à préserver ce projet plusieurs années après mon départ, mais en 2017, la section ferme. Mon collègue, Alexis Caroubalos, professeur EPS, brillant escrimeur, quitte alors le poste de Victor Hugo qu’il occupe en délégation rectorale pour réintégrer son poste d’origine. Les petits intérêts personnels s’appuyant sur des principes corporatistes d’un autre âge eurent raison de ce projet et, en fin de compte, de mon engagement syndical.

En 2004, je rencontre Michel Sicard lors du stage de formation continue de Dijon (on peut trouver le contenu du stage avec des vidéos très intéressantes sur le blog). C’est un nouveau choc pour moi. Le discours de Michel sur l’épée est d’une telle clarté que je suis totalement convaincu. Mon enseignement est transformé après ce stage et cette rencontre.

Entre les conceptions théoriques sur l’apprentissage que je détenais et mes convictions, je comprenais très mal l’enseignement de l’épée auparavant. Tout me semblait incohérent et du coup et j’étais assailli de doutes. Les précédents stages que j’avais effectués notamment avec Stéphane Volinetz ne m’avaient pas rassuré. Comment comprendre les principes de l’époque quand on nous expliquait que lorsque le maître place sa pointe ici par rapport à la coquille, l’élève fait contre de sixte, là quarte, ici seconde et là septime ? Vous voyez sûrement de quoi je parle… Or si l’on n’écoute pas bêtement ce qu’on apprend, on se pose nécessairement la question : « si l’élève automatise ce genre de réponse, il sera alors d’autant plus facile pour l’adversaire de le tromper ! » Comment puis-je enseigner de telles bêtises ?

Toute l’approche de l’escrime chez Michel Sicard est empreinte de réalisme de logique et de cohérence. Il remet en cause les conceptions théoriques répandues dans le milieu de l’escrime à l’époque comme le STI (traitement de l’information). L’individu n’est pas un ordinateur et il ne peut pas modifier ces choix dans le cours d’une action en fonction d’un quelconque stimuli ou information.

Les leçons que l’on donnait avec 3 choix de réponses possibles de l’élève en fonction de la réaction du maître ne faisaient que ralentir l’action et nous rapprochaient davantage d’un travail chorégraphié que d’une leçon qui aurait du sens dans le combat.

C’est en 2005 que je succède à Michel Caquard qui part en retraite sur le poste de conseiller technique régional de Franche-Comté. D’abord en position de détachement de mon poste de professeur d’EPS puis en intégrant le corps des professeurs de sports.

Pour briguer ce poste, je passe le BEES 2. Je décide alors de suivre la formation de l’école de Chatenay. Mon chef d’établissement de l’époque est particulièrement conciliant et c’est avec un réel plaisir que je m’engage dans cette démarche. Fort de mon implication dans le milieu fédéral depuis plusieurs années et de mon expérience de professeur d’EPS, je pars avec beaucoup d’envie et des a priori positifs. L’enseignement y est de qualité, mais s’appuie largement sur la technique.

À l’époque, je suis déjà réticent à l’égard de ces conceptions. Selon moi, la technique ne constitue pas un but en soi, mais un outil pour atteindre des objectifs dans une situation de combat. Il est moins important de maîtriser la feinte de coup droit dégagé que d’apprendre à tromper la parade de 4 par exemple. Les « champions du monde » de la leçon individuelle sont rarement des combattants émérites.

Je suis perplexe devant cette école pour la maîtrise d’armes, tant réputée, proposer une formation aussi classique. Pourquoi aussi peu de questionnement ? De recherches actives, d’innovations ?

J’avais vécu des changements profonds au sein de la fédération de Hand-Ball dont les résultats sportifs, même au plan européen, étaient totalement inconsistants avant les années 90. Or après des remises en cause majeures et un travail de fond important, le Hand-Ball français a connu un essor incroyable pour dominer la planète, ce que personne n’imaginait dans les années 80.

Les cadres de la FFE que je questionne sur le sujet me rétorquent inlassablement « pourquoi changer alors que l’on gagne ? » 2012 et Londres était encore loin…

Même sur le plan technique, je m’étonne de la superficialité avec laquelle nous traitons certains concepts. Le « Clery » et le « Thirioux » sont deux bibles que personne n’ose remettre en cause. Pourtant ce ne sont que des catalogues techniques, qui bien sûr ont le mérite d’exister, mais qui abordent peu les principes pédagogiques. Ils ne traitent pas non plus de la leçon collective qui relève quasiment du tabou encore actuellement, sauf éventuellement chez les sabreurs, je vous l’accorde. Les notions tactiques sont survolées et parfois très éloignées de la réalité du combat.

Lors de mon examen, je tombe, comme un fait exprès, sur le sujet qu’on craint le plus à l’époque… pas de chance : « Le contre-arrêt à l’épée en pédagogie collective avec un groupe de tireurs. »

Il se trouve que je m’étais sérieusement intéressé à ce thème qui me passionnait en dehors de la formation.  En effet le contre-arrêt, expliqué comme la contre-attaque de la contre-attaque, aussi bien par Clery, R. (1965) Escrime p 261 que Thirioux, P. (1970) L’escrime moderne p 198 et p 309, me laissait perplexe. Thirioux précisait cependant que la contre-attaque pouvait se faire en fente et Clery également en ½ fente. Par conséquent, la contre-attaque est alors qu’une offensive exécutée durant l’offensive adverse. Cette dernière porte le nom d’attaque parce qu’elle est initiale et définie comme telle par la convention.

Dans l’hypothèse où l’attaque est une fausse attaque, la contre-attaque faite vers l’avant devient dès lors une attaque sur la préparation. Par conséquent, si l’attaquant exécute un arrêt sur cette offensive qui porte le nom d’attaque sur la préparation pour l’un et contre-attaque pour l’autre, on a bien dans un cas un contre-arrêt.

C’est un peu complexe, et j’écrirai un article spécifique sur ce sujet plus tard, mais je tenais là une intention stratégique très compréhensible par tous les épéistes avec un certain niveau de pratique. 

C’est ainsi devenu limpide, facile à expliquer et à enseigner en pédagogie collective. Le contre-arrêt est de fait un arrêt de 2de intention.

Je présente donc une séance collective le jour de l’examen ainsi. De toute façon, je suis bien incapable de traiter le sujet autrement et trouver une situation pédagogique pour enseigner la contre-attaque sur une contre-attaque exécutée en rompant me semble impossible.

Le jury dans ses grandes largesses me gratifie d’un lamentable 13/20, me reprochant d’avoir une approche trop personnelle de la question. Ce n’est pas que j’ai une haute opinion de moi-même pour oser remettre en cause le jugement forcément objectif du jury, mais au cours de l’entretien, je perçois qu’ils semblent avoir des difficultés pour appréhender le sujet sur le plan tactique. Je me demande encore comment ils auraient traité le sujet eux-mêmes.

De part mes nouvelles fonctions de conseiller technique régional, je suis rapidement confronté à un dilemme. En effet, la neutralité d’un fonctionnaire d’Etat réclame que je quitte mes responsabilités au Besançon UC. Cependant, je sais que si je quitte le club, je perds le contact avec le terrain et pour moi ce n’est pas envisageable.

Je tiens à préciser que j’intervenais bénévolement au BUC.

Cela peut surprendre, mais je conservais les conceptions des anciens profs EPS qui considéraient qu’en tant que fonctionnaire, avec peut être un peu plus de temps disponible que les profs d’autres matières, il était possible d’avoir une action militante, notamment au sein du mouvement sportif.

Sans doute cette position était contestable et pouvait porter préjudice à la profession de maître d’armes, mais j’en avais trop vu qui cumulaient emploi et salaires au détriment des structures associatives qui ne pouvaient alors plus recruter et créer de « vrais emplois ».

En 2012, après un long travail pour sauver l’emploi en Haute-Saône, je monte le premier BPjeps escrime en France avec l’appui d’un collègue de la DR de Besançon.

Ce fut un succès avec la venue de nombreux candidats qui étaient Prévôts pour la plupart et oeuvraient dans les clubs avec un statut pas vraiment conforme à la législation. J’étais face aux « déçus du système », les recalés des derniers BEES. Certains étaient même en formation pour le 1er DEjeps et ressentaient une telle pression qu’ils préféraient assurer leur avenir avec ce BPjeps.

Cette initiative me vaut les foudres de la direction technique et du président de l’époque. Je suis convoqué à la FFE pour une réunion houleuse ou je suis traité de franc-tireur alors que je suis juste un Franc-comtois cherchant par tous les moyens à créer un emploi afin d’empêcher la fermeture des 5 clubs du comité départemental de Haute-Saône.

Le directeur de l’époque considérait qu’il fallait conserver une formation resserrée et centralisée faisant fi des besoins de territoires et de la politique de développement du président Pietruzka qui avait fixé l’objectif de 100 000 licenciés. Il s’estimait le « gardien des clés » et souhaitait maintenir toutes les velléités régionales de formation sous le joug de la fédération et notamment les BPjeps. Prépa-Paca, organisée en son temps par mon collègue CTR Jacques Reihles, restait un parfait exemple d’une initiative régionale indispensable et pourtant largement déconsidéré par le bureau fédéral et les dirigeants de la formation.

Il faut savoir qu’en 2012, 15 maîtres d’armes étaient diplômés tous les 2 ans… 7,5 maîtres d’armes chaque année ! Une pure ineptie lorsqu’on sait que la FFE a inscrit dans ses statuts l’obligation d’avoir un enseignant diplômé d’État pour chaque club affilié !

En conséquence, les clubs avaient souvent recours aux prête-noms et au travail déguisé.

En 2013, je suis sollicité par la candidate Isabelle Lamour et son futur DTN Christian Peeters pour prendre les fonctions de directeur de l’institut de formation. 

Le premier mandat d’Isabelle est pour moi l’occasion d’entreprendre un grand nombre d’actions en faveur de la formation. J’ai les mains libres et le DTN me fait une totale confiance. L’objectif est bien identifié : « former davantage pour répondre à la demande des clubs ».

Je réorganise alors la formation DEjeps sur 14 mois permettant d’ouvrir une promotion chaque année ce qui va doubler les effectifs ainsi que les recettes financières de l’IFFE. Le BPjeps de Franche-Comté tourne à plein régime et il y a jusqu’à 5 formations BP sur le territoire. Nous créons le CQP en 2015 et nous dépassons la centaine d’enseignants d’escrime tous diplômes confondus, formés chaque année. Je lance également un DEjeps interne à l’Insep à l’attention des sportifs de haut niveau, avec l’ambition de l’organiser chaque année post-olympique. Une promotion avec 8 stagiaires voit le jour la saison 2016/2017.

Les stages de formation continue (stages performances) aux 3 armes sont organisés chaque année à la Toussaint. Le stage d’ÉPÉE, piloté par Michel Sicard, connait un succès qui dépasse nos frontières.

Un programme de recherche est initié et une vaste étude sur les filières énergétiques est entamée avec l’objectif de mesurer la dépense énergétique des athlètes en compétition, ce qui n’avait jamais été fait.

Dès la fin du premier mandat, l’orientation vers une amélioration de la qualité du niveau des enseignants sortants devient une évidence. Après avoir multiplié les diplômes pour faire face à la demande, il faut maintenant mieux former. D’autant plus que les critiques sur le niveau des CQP et des BPjeps fusent régulièrement aux oreilles des Élus de la fédération. Même le niveau des DEjeps sortants est critiqué. Avec mon équipe, nous savons pertinemment que ces polémiques sont fondées sur le principe du « c’était mieux avant ! ». Par ailleurs, chaque école est vue avec mépris par les précédentes : Antibes, l’Insep en 2 ans puis en un an, c’était tellement mieux que l’école de Dinard qui était tellement mieux que l’école de Chatenay… et les nouveaux DE n’en parlons pas !

Lors du 2e mandat de la présidente Isabelle Lamour, ma situation professionnelle se dégrade et j’ai moins de latitude dans mon action.

Je lance le nouveau DESjeps porté par la FFE en 2018 ainsi que notamment le projet de rénovation pédagogique et le renouvellement du CQP.

Quelques mots sur ce DESjeps-FFE que je sais menacé depuis mon départ.

Ce projet est le résultat d’un combat acharné afin de créer ce cursus de formation adapté au besoin des enseignants.

La formation DES précédente, portée par l’Insep répondait sans doute aux besoins des sportifs de haut niveau, mais en aucun cas à ceux des maîtres d’armes sur le territoire. La pratique de l’escrime y était trop réduite avec une après-midi par semaine de formation et seulement 10 semaines en présentiel. Les aspects théoriques étaient traités transversalement pour répondre à la demande des différents stagiaires issus de différentes disciplines sportives. Or les enseignements théoriques sortis de la spécificité sportive du stagiaire restaient difficilement assimilables et reinvestissables, et c’est bien les retours que j’avais de nos escrimeurs en formation. Le DES de l’INSEP se rapprochait davantage d’une formation universitaire que d’une formation professionnelle en alternance comme elle aurait dû l’être. De ce fait, les coûts de formation semblaient démesurés et les stagiaires, pour la majorité éducateurs sportifs en activité, n’étaient pas formés dans l’esprit de la formation professionnelle comme on l’entend.

Le montage du DES-FFE vise à mieux répondre aux besoins des candidats par sa flexibilité notamment. Le choix des dates de formation par le stagiaire, et son organisation sur 1 2 ou 3 ans en sont le meilleur exemple. Nous conservons aussi une certaine transversalité avec une formation universitaire dans le domaine de la préparation physique qui permet aux stagiaires de valider un Diplôme universitaire du Staps de Lille en plus du DES. Cette biqualification rend ce cursus très attractif.

D’autre part, les CTS et les entraîneurs des pôles en région et à l’INSEP sont partie prenante. Tout porte à penser que les compétences de nos nouveaux DES vont considérablement s’améliorer. Ensuite, les échanges entre les CTS, les entraîneurs et l’équipe de formation sont susceptibles de faire évoluer favorablement les contenus de formation tout en créant une synergie entre ces cadres qui, le plus souvent, ne se parlent pas et ne travaillent pas ensemble.

Concernant le renouvellement du CQP, nous faisons le constat, avec les CTS, que nos éducateurs fédéraux n’ont pas le même niveau sur l’ensemble du territoire. Nous décidons lors d’un séminaire d’organiser un stage et un examen national pour valider le CQP. Auparavant, il suffisait d’être éducateur et de monter un dossier pour être présenté au jury de la branche professionnelle.

Ce choix présente des avantages notamment l’harmonisation des niveaux, mais aussi le risque de freiner le dispositif s’il devient trop difficile d’accès. La branche professionnelle également souhaite que nous remaniions ce dispositif afin de le rendre plus sélectif. En fait, il cherche surtout à faire monter leur CQP du niveau 5 au niveau 4 pour sans doute concurrencer les Bpjeps qui sont des diplômes d’État. Leurs objectifs divergent des nôtres et il faut être fort et unis pour tenir dans cette tourmente.

Durant cette période, je suis en disgrâce avec la directrice technique qui me dessaisit de plusieurs dossiers, dont le DES et le CQP. Elle cherche à m’écarter des dossiers sensibles, alors même qu’elle en mesure mal les enjeux et poursuit des objectifs obscurs bien éloignés, selon moi, de l’intérêt fédéral.

Le projet de renouvellement du CQP présenté est rejeté en l’état. Nous perdons l’option artistique et nous recevons un avis négatif pour l’option Sabre Laser.

Durant cette période, plusieurs de mes dossiers ne peuvent avancer ou sont simplement enterrés. La concomitance de ces événements avec la survenue de l’épidémie COVID brouille à coup sûr l’analyse de la situation et servira sûrement à minimiser les dégâts causés.

Cependant, j’estime que la gestion managériale de la direction technique, durant cette période, est défaillante à plus d’un titre. Enfin, de mon point de vue, c’est sans doute une des causes qui a contribué à décrédibiliser l’équipe dirigeante en place lors des élections de 2020 et entraîner les conséquences que nous avons connues.

En conclusion de ce trop long exposé je souhaite au travers de ce blog traiter de l’enseignement de l’escrime, de la pédagogique et, à mon échelle, contribuer à l’amélioration de la qualité de la formation.