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ENSEIGNER LA CONVENTION CHEZ LES JEUNES – 2/4

Article 2 : La compétition et le règlement des jeunes

La compétition un puissant moteur de la formation

Jusque dans les années 70, les escrimeurs apprenaient une technique avant de tirer. Ils passaient des heures entre le plastron et le travail des fondamentaux. Depuis, les effectifs de la FFE ont doublé. Les attentes du public ont évolué et les maîtres ont adapté leurs méthodes pédagogiques. Un apprentissage ludique par la pratique a remplacé la rigueur d’une instruction fondée sur l’acquisition d’une technique à la leçon.

Dès lors, la compétition est devenue une étape importante pour faire progresser les jeunes.

Il fut un temps où elle était considérée comme néfaste pour l’enfant. Certaines déviances, comme le dopage, la tricherie, la victoire à tout prix, lui ont façonné une image négative.

Pourtant, si l’entourage, enseignants et parents, véhicule des valeurs exemplaires, la compétition offre des perspectives intéressantes : Fixer les apprentissages, faire se dépasser les élèves, rencontrer de nouvelles situations à résoudre face à de nouveaux adversaires, apprendre à gérer ses émotions et ses frustrations.

Les enseignants savent que la victoire et ces récompenses associées ne sont pas le but premier. Elles constituent une « motivation extrinsèque ».

« – L’effet négatif des récompenses sur la motivation intrinsèque est dû à une « instrumentalisation » de l’activité.(Marc Durand, L’enfant et le sport, p. 82, 1989). »

« – La motivation intrinsèque a sa source dans l’individu lui-même qui tire son plaisir dans la réalisation de la tâche elle-même (Jean-Pierre Famose, Motivation et apprentissage, p. 127 )

Il faut expliquer que la compétition permet de mettre en œuvre ce qui a été appris à la salle. Le but est d’abord de faire de son mieux et la performance réside dans le dépassement de soi.

En outre, il est très utile d’apprendre à gérer et analyser ses défaites. C’est le fait de progresser qui constitue la vraie victoire, la seule qui a du sens.

La volonté de progresser est une motivation intrinsèque. C’est un puissant moteur pour s’investir dans une pratique sportive.

Cependant, il est tout à fait malheureux que l’arbitrage actuel du fleuret engendre une pratique contraire à l’intérêt pédagogique.

La compétition au fleuret est déstabilisée par un règlement et un arbitrage inadéquat, chez les jeunes.

Prenons l’exemple de la parade riposte ! Sans conteste, une personne débutant l’escrime doit acquérir cette technique.

Hélas, en compétition au fleuret jeune, nous observons que si l’attaque est parée, la remise de l’attaquant a trop souvent l’avantage sur la riposte.

Le jeu « attaque /remise »

Dans les catégories jeunes on observe fréquemment le jeu "attaque/remise". Le tireur sait que son attaque va être parée, mais il sait qu'il a de fortes chances de marquer en remise d'attaque.
Actions Jeunes jeu attaque remise

Pourquoi ?

C’est lors du 83ème congrès ordinaire de la FIE de Leipzig en 2003, que des décisions importantes ont été prises. Le temps de blocage au fleuret a été ramené à 300 millisecondes et le temps de contact à 15 millisecondes. Dans la foulée, tous les appareils d’escrime en France ont été reprogrammés. Dès lors, les compétitions pour toutes les catégories se sont déroulées avec ce matériel. Aucun aménagement ne fut envisagé pour les pupilles et poussins, comme on les appelait à l’époque.

• Accord sur la réduction du temps de blocage : 56 voix pour, 28 voix contre.

Le temps de blocage à 200 millisecondes : 19 voix, à 300 millisecondes : 32 voix.

Donc nous prendrons le temps de blocage à 300 millisecondes pour le fleuret.

• Augmentation du temps de contact au fleuret : 48 sont pour, 33 sont contre, donc nous augmenterons le temps de contact au fleuret à 15 millisecondes.

https://static.fie.org/uploads/4/22585-83%20Congress%202004%20fra.pdf – Page 107

Ce temps de blocage de l’appareil de 300ms impose d’aller plus vite ; notamment entre la parade et la riposte afin d’éviter que la remise d’attaque touche et bloque l’appareil. Auparavant, ce temps était considérablement plus long de l’ordre de 2 secondes, mais je n’ai pas retrouvé les temps exacts.

Le temps de contact d’autre part, impose que la pointe reste enfoncée au moins 15ms. Auparavant, une rupture du circuit infinitésimal allumait la lampe. Le but de cette disposition était de supprimer les coups lancés.

Sur la question du temps de blocage, l’athlète de haut niveau ou le fleurettiste adulte sont capables de toucher dans cet intervalle.

Chez le jeune, c’est une tout autre affaire ! La vitesse nécessaire pour riposter entraîne une dégradation technique. On observe une perte de précision et trop souvent l’élève passe ou touche non valable. Il peut ralentir son geste mais il s’expose alors à la remise d’attaque qui va bloquer l’appareil. Il est donc pénalisé alors que la règle du jeu lui donne raison.

Pour s’adapter à ce nouveau temps de contact, le fleurettiste adulte met davantage de puissance dans son action. Il augmente l’intensité de l’impact et l’on observe toujours autant de coups lancés !

Auparavant chez les jeunes il n’y avait pas de coups lancés. Malgré cela, ils sont tenus de mettre plus d’impact sur chaque touche. Ceci se fait au détriment de la technique et renforce l’engagement physique lors des combats.

Des attaques désordonnées

Certains jeunes tireurs puissants, mais peu techniques, pratiquent une escrime désordonnée et violente.
Actions Jeunes : attaque desordonnées

Cette situation a renforcé chez l’élève plusieurs points qui ne vont pas dans le sens de sa progression : 

  • d’une part, il considère la technique de la parade/riposte difficile et peu efficace.
  • d’autre part, il lui semble plus facile de partir avec les jambes et placer une action puissante avec le bras en finale d’action.

La coordination bras/jambe n’est plus la norme

Cette coordination dont nous avons parlé dans le 1er article disparaît au profit d'actions techniquement faibles, mais efficaces.
Actions Jeunes coodination bras jambe

Face à cela, l’enseignant répétera inlassablement que : bien maîtrisée, la parade/riposte sera un outil efficace ; avec une bonne coordination, les feintes permettront de mieux tromper la défense.

Hélas ! ces explications se feront trop souvent dans la voiture alors que son élève sera éliminé. Chacun sait qu’il faut donner les clés du progrès et de la réussite pour conserver la confiance des élèves.

Pendant ce temps, le tireur qui attaque puis remise systématiquement poursuivra la compétition. Il renforcera encore l’efficacité de sa remise en s’effondrant vers l’avant après son attaque. Cela lui viendra naturellement puisque c’est un défaut classique chez le débutant, consécutif au manque de gainage.

Il profitera du laxisme des arbitres sur les fautes de combat dans ces catégories. Notamment celle de la substitution de surface valable.

La substitution de surface valable en inclinant le buste

Cette faute est souvent observée chez les jeunes et sanctionnée seulement par les arbitres expérimentés. 
Actions Jeunes substitution inclinaison corps

Le jeune tireur, adepte de « l’attaque/remise » en se baissant, poursuivra son bonhomme de chemin. Il rencontrera un jour un arbitre compétent qui lui fera perdre ses illusions et celles de son entourage.

Il est souvent dit qu’il faut être « souple chez les jeunes » ! Pour cette raison, les arbitres tolèrent des fautes de combats dans ces catégories. Pourtant, ces décisions, ou non-décisions, peuvent renverser le cours du jeu. Il en résulte des défauts que les maîtres ont beaucoup de peine à corriger.

Les contorsions

Souvent après une attaque on observe certains tireurs se contorsionner. Incapables de faire une parade, pour éviter la riposte, ils utilisent en même temps leur bras armé pour dissimuler la surface valable.
Actions Jeunes substitution contorsion

L’utilisation du bras arrière

Dès lors, que quelques-uns ont "oublié" d'enseigner le rôle du bras arrière, certains jeunes vont l'utiliser pour masquer la surface valable ou pour parer l'offensive adverse
Actions Jeunes utilisation bras arrière

Dans tous les cas, nous devons prendre conscience que nous sommes tous perdants :

  • L’élève, qui a raison techniquement, mais qui perd.
  • L’élève, qui gagne en utilisant une technique qui renforcera ses défauts et l’empêchera de progresser.
  • Les maîtres, qui verront ces deux élèves arrêter l’escrime par incompréhension et dégoût.
  • Les entraîneurs nationaux, qui ne verront jamais ces jeunes, peut-être au fort potentiel, qui auront arrêté depuis bien longtemps.
  • Les arbitres, qui devront interpréter le règlement international sans cohérence avec l’arbitrage qu’on leur demande de mettre en œuvre.

Le règlement des jeunes occulte depuis très longtemps la question de la convention.

Le nouveau règlement des jeunes traite de la nécessaire exemplarité des enseignants et des aspects sociaux de la pratique. https://www.escrime-ffe.fr/medias/fichiers/Vie%20Sportive/RS/RS-Regl_Jeunes190922.pdf

L’éducation avant tout ! C’est important et il ne faut pas négliger cet aspect.

Cependant, comme dans tous les précédents règlements des jeunes, la question cruciale de l’interprétation de la convention n’est pas traitée… Pourtant, cette convention garantit la cohérence pédagogique de l’ensemble.

Au chapitre 2.8 sur « la manière de combattre », on se concentre sur les sauts, les croisements de jambes, l’inversion des épaules…

Mais quid de :

  • l’attaque non correcte,
  • de la remise qui bloque le déroulement de la phrase d’arme,
  • de l’attaque sur la préparation systématiquement traitée comme une contre-attaque,
  • de la substitution de surface valable…

Sans états d’âmes le règlement des jeunes botte en touche sur ce sujet :

« Les règles du jeu sont précisées par la Fédération Internationale d’Escrime (FIE) (cf. site internet de la FIE « www. fie.org »), notamment en matière de règles conventionnelles selon les armes, des fautes et sanctions. » Page 6.

https://www.escrime-ffe.fr/medias/fichiers/Vie%20Sportive/RS/RS-Regl_Jeunes190922.pdf
https://fie.org/fie/documents/rules

Le lecteur est renvoyé ici au règlement international rédigé par la FIE.

Ce règlement, conçu pour un public adulte, et en aucun cas respecté sur la question de la convention !

Alors, pourquoi le citer en référence dans le règlement de nos jeunes ?

Quand allons-nous prendre en compte l’intérêt pédagogique dans ces catégories ?

Il est crucial aujourd’hui d’écrire un règlement des jeunes adapté à son public. Un règlement respectueux des conceptions pédagogiques de l’école française d’escrime.

Le règlement des jeunes doit devenir la pierre angulaire de la formation

Actuellement, le RI est interprété par les arbitres internationaux. Tout naturellement, les arbitres nationaux, régionaux et départementaux reproduisent le modèle dicté par leurs aînés.

Les enseignants ont eu beau s’insurger, le dictat du corps arbitral sur la pratique s’est imposé. De plus, le contexte social d’aujourd’hui rend incontestable l’arbitre et je le comprends.

Cependant, l’arbitre véhicule dans son interprétation de la phrase d’armes des choix politiques au sens large. Nous essayerons de comprendre, plus loin, l’origine de ce problème qui résulte de conflits anciens entre différentes nations.

Alors que faire ?

Il reste le règlement des jeunes sur le lequel la FFE à encore la main. Dans le contexte actuel, il est le seul levier pour impacter l’apprentissage de l’escrime.

Plusieurs solutions permettraient de réglementer intelligemment la pratique du fleuret chez les jeunes.

D’abord il est envisageable de programmer spécifiquement nos appareils sur les temps de blocage et de contact du fleuret. Ainsi, il suffirait de choisir le programme « fleuret jeune » comme on choisit le programme fleuret, épée ou sabre.

Le temps de blocage pourrait être allongé jusqu’à 500ms au lieu des 300ms actuellement. On donnerait ainsi du temps pour la riposte. Dès lors, la remise d’attaque qui bloquait l’appareil ne prendrait plus le pas sur la riposte et il serait plus facile à l’arbitre de donner une phrase d’armes conforme.

Le temps de contact pourrait revenir à son état initial. Une simple poussée, de 500 grammes sur la pointe, provoquerait alors la rupture du circuit et l’allumage de la lampe. Cela convenait parfaitement aux jeunes auparavant.

Ensuite, une disposition oubliée du RI pourrait être remis en avant, le T.79 :

Règlement international – Règlement technique Août 2022

Extension de la surface valable

1 – Au fleuret, il est interdit de protéger ou de substituer une surface valable par une autre partie du corps, en la couvrant (Cf. t.158-162, t.165, t.170): la touche éventuellement portée par le tireur fautif sera annulée.

c) Cependant les coups arrivés sur une partie du corps dite non valable sont comptés valables lorsque, par une position anormale, le tireur a substitué cette surface non valable à la surface valable.

https://static.fie.org/uploads/28/141643-Technique%20fra.pdf

Appliquée rigoureusement chez les jeunes, cette disposition serait bénéfique pour tout ce qui touche les positions.  Des exemples vidéo mettant en évidence la substitution de surface valable :

  • baisser la tête,
  • se pencher en avant notamment en fin de fente,
  • utiliser le bras arrière, voir le bras armé pour dissimuler la cuirasse…

Enfin, l’application stricte de la convention énoncée dans les articles suivants :

Actions offensives et défensives

t.9 Définition :

1 Les différentes actions offensives sont l’attaque, la riposte et la contre-riposte.

– L’attaque est l’action offensive initiale exécutée en allongeant le bras et menaçant continuellement la surface valable de l’adversaire, précédant le déclenchement de la fente ou de la flèche (Cf. t.83, t.84, t.85 et t.101 ss).

Respect de la phrase d’armes

t.83

1 Toute attaque, c’est-à-dire toute action offensive initiale, correctement exécutée, doit être parée ou complètement esquivée et la phrase doit être suivie c’est-à-dire coordonnée (Cf. t.9.1).

2 Pour juger de la correction d’une attaque, il faut considérer que :

a) L’attaque simple, directe ou indirecte (Cf. t.10) est correctement exécutée quand l’allongement du bras, la pointe menaçant la surface valable, précède le déclenchement de la fente ou de la flèche.

b) L’attaque composée (Cf. t.10) est correctement exécutée quand le bras s’allongeant dans la présentation de la première feinte, la pointe menace la surface valable sans raccourcissement du bras pendant l’exécution des mouvements successifs de l’attaque et le déclenchement de la fente ou de la flèche.

c) L’attaque par marcher-fente ou marcher-flèche est correctement exécutée quand l’allongement du bras précède la fin de la marche et le déclenchement de la fente ou de la flèche.

d) L’action, simple ou composée, la marche ou les feintes exécutées avec le bras raccourci, ne sont pas comptées comme une attaque mais comme une préparation, exposant le tireur au déclenchement de l’action offensive ou défensive-offensive (Cf. t.10-11) adverse.

JUGEMENT DE LA TOUCHE

t.89

5 L’attaquant seul est touché :

f) s’il touche par remise, redoublement ou reprise d’attaque, sur une parade de l’adversaire, suivie d’une riposte immédiate, simple, exécutée en un seul temps et sans retrait de bras.

Pour conclure

La FFE redonnerait du sens à « l’école française » en imposant une pratique du fleuret « classique » jusqu’à la catégorie M13. Cette catégorie pourrait être incluse ou non, il faut y réfléchir.

Cela permettrait d’assurer un socle commun de formation aux armes de pointe. Ce socle que les maîtres français essayent de transmettre depuis toujours.

Ensuite, les escrimeurs seraient orientés vers la pratique du fleuret « moderne » ou de l’épée. Evidemment, les escrimeurs qui commenceraient l’activité plus tard, pourraient aussi avoir un temps de pratique avec ce fleuret « classique ».

Article 3 : Pour une normalisation du fleuret « moderne » par la FIE ! (prochainement)

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