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Les déplacements des tireurs à l’épée – 1ère partie

Je propose ici une réflexion en 3 parties sur l’apprentissage des déplacements pour un public débutant et sur les différents exercices proposés lors des séances dites « de fondamentaux » pour des épéistes confirmés. La 1ère partie, sur la garde et les déplacements ensuite les offensives en fente et en flèche et enfin les « défensives de jambes ».

Mon analyse porte sur l’épée, c’est l’arme que j’ai le plus enseignée et je détiens nombre de vidéos de qualité.

Le terme de « fondamentaux » désigne, à tort ou à raison, la technique de déplacement des escrimeurs.

Lors des premières séances d’escrime. La plupart des maîtres apprennent aux élèves à se déplacer comme un escrimeur. En garde, marchez, rompez, fendez-vous ! Voici des mots qui résonnent souvent dans les clubs d’escrime de France et de Navarre, et ce depuis quelques siècles. Ensuite, c’est au cours de ces séances de fondamentaux, placées en général en début d’entraînement que l’on va perfectionner sa technique de jambe en améliorant son équilibre, sa coordination… Certains utilisent ces exercices au cours de l’échauffement ou pour un travail de préparation physique spécifique.

Bref, régulièrement les escrimeurs rabâchent ces exercices tant et si bien que le terme « fondamentaux », désignant le travail des jambes, s’est répandu et semble aujourd’hui faire l’unanimité. Je précise que  je suis un fervent adepte de ce travail du train inférieur, aussi bien pour les escrimeurs débutants que confirmés, mais je m’interroge souvent sur la pertinence des exercices proposés.

En effet, l’approche habituelle et traditionnelle tend à installer une posture de garde et une mécanique du mouvement des jambes.

Citons par exemple :

-Lors de la marche, le pied avant puis le pied arrière, avancent de la même distance et l’un après l’autre, tandis que c’est l’inverse pour la retraite.

-Après chaque déplacement, il faut retrouver la position de garde, pieds à plat, séparés par environ une largeur d’épaules.

-La pause du pied avant s’effectue par le talon aussi bien pour la marche que pour la retraite, de même lors d’un retour en garde.

Les principes que je viens d’énoncer sont traditionnels et font consensus. Il ne s’agit pas ici de tout remettre en cause, mais de sortir d’un schéma répétitif afin d’enrichir le travail de fondamentaux. Si nous regardons attentivement un assaut d’épée, nous nous apercevons que nous sommes loin, très loin des déplacements classiques enseignés généralement.

Certains diront qu’un apprentissage traditionnel pose des bases qui vont favoriser l’émergence des coordinations spécifiques des épéistes.

Or selon moi c’est tout le contraire, ces techniques de jambes sont trop éloignées voir en rupture avec la variété et l’originalité des déplacements pratiqués aujourd’hui. Le travail de ces fondamentaux manque de variété et enferme les pratiquants.

Certains apprentissages peuvent même créer des automatismes néfastes à l’acquisition de coordinations expertes pour la pratique de l’épée de compétition.

1ère partie : la garde et les déplacements

Sur la position de garde

Puisque nous restreignons le sujet sur l’épée je vous propose de comparer la position de garde préconisée par Ambroise Baudry – L’escrime pratique p 84 -1893, avec quelques images de position de garde de tireur aujourd’hui.

La garde pratique 1893, comparée avec la garde de tireur aujourd’hui

La garde pratique 1893

On remarquera que :

  1. l’écart de jambe est plus important aujourd’hui.
  2. Le poids du corps s’est quelque peu déporté vers l’avant favorisant la mobilité de la jambe arrière.
  3. Les pieds ne sont plus à plat, mais plutôt sur la plante de pied avec le talon légèrement décollé. Dans certains cas, on observe que le talon du pied arrière est encore davantage relevé.

Il est également important de noter qu’en situation d’assaut, la position de garde n’est jamais statique. L’épéiste est toujours en mouvement.

Il ne s’agit pas de porter un jugement de valeur, mais de constater les différences et d’en tirer des enseignements. Il est évident que l’escrime a changé et que la position de garde actuelle n’est qu’une conséquence observable de ces changements profonds. C’est le souci de la performance et de l’efficacité qui a fait émerger cette position. Il faut aussi remarquer les différences entre les tireurs qui démontrent l’adaptation nécessaire de cette position à la morphologie de chacun ou à ses intentions techniques et tactiques du moment. 

Remarques sur l’enseignement chez les jeunes ou les débutants

Si l’observation du haut niveau apporte un éclairage sur la pratique de la discipline, il n’est pas question d’imposer ces modèles techniques pour la formation des jeunes. Il faut réfléchir comment prendre en compte ces évolutions dans l’apprentissage et trouver une progression pédagogique qui favorisera au mieux l’acquisition de ces techniques ou de celles qui seront plus utiles lorsque le jeune tireur sera arrivé à maturité.

Pour ma part, je considère qu’il faut mieux continuer à enseigner une garde avec le poids du corps au centre des appuis, sans forcer la position de profil. C’est la qualité des situations proposées qui doit faire émerger l’attitude la plus adaptée et notamment l’écart de jambe et la répartition du poids du corps.

Sur la position des pieds il ne me semble pas souhaitable d’enseigner une position du pied arrière sur le « gros orteil » pointe de pied vers l’avant. Cette position ne permet pas  de retrouver facilement la position correcte et efficace du pied arrière lors de la fente, c’est-à-dire perpendiculaire à la jambe.

Je fais une parenthèse sur le bras arrière auquel il est impératif de donner un rôle dès le début des apprentissages. Le bras non armé doit contribuer à l’équilibre du corps et à l’accélération de la fente. Il faut être très attentif à ce qu’il joue son rôle sinon on observera certains qui utiliseront spontanément ce bras pour se protéger, substituer la surface valable au fleuret ou parer avec le bras au fleuret et à l’épée. Ce comportement est très difficile à faire disparaître et peu nuire à la pratique d’un escrimeur toute sa carrière.

Marchez, rompez !

Comme je l’ai exprimé plus haut ces deux déplacements sont formatés et bien que nous connaissions les marches et retraites inversées ainsi que les passes et les bonds, la marche classique est le plus souvent enseignée alors qu’elle reste bien peu utilisée lors de l’assaut.

Tout d’abord à quoi servent ces déplacements au-delà du simple mouvement d’avant en arrière sur la piste ?

Selon moi, les déplacements ont 3 buts principaux :

  • Préparer son offensive, c’est-à-dire être capable de se placer de façon favorable pour attaquer.
  • Créer une situation pour inciter son adversaire à attaquer.
  • Pouvoir se défendre des offensives adverses en éloignant efficacement une surface de touche.

Observation du travail de jambe lors de phase de préparations chez des athlètes de haut niveau

Yannick Borel : déplacements en fonction des intentions tactiques
  • Au début, on observe le travail du pied avant alors que le pied arrière ne progresse pas. C’est une situation d’observation. Il y a une certaine incertitude créée par le mouvement du pied avant mais pas de prise de risque.
  • Puis un déplacement rapide pour « prendre le terrain » laisser volontairement par l’adversaire. Nous sommes proche d’un déplacement de type « pas chassé » mais il n’y a pas de risque.
  • Enfin, en fond de piste le pressing s’observe avec le travail de la jambe arrière qui contrôle la distance aussi bien pour déclencher l’attaque que pour défendre.
Borel différents déplacements
Park Kyoungdoo : Pressing sur Minobé
  • Les déplacements ici se font essentiellement sur la base de bonds avants et arrières.
  • Ce système semble nécessiter un gros physique.
  • Selon moi, le travail simultané des 2 jambes, augmente sans doute la vitesse de percussion en attaque mais rend plus perceptible l’action.
  • La défensive de jambe m’apparaît également plus difficile et le retrait du pied avant, lors d’une attaque au pied compliqué…

Park Preparation jambe bonds

Daniel Jerent : travail de la jambe arrière lors du pressing
  • C’est très intéressant de voir ces mouvements de la jambe arrière.
  • Daniel Jerent est un « conquérant », selon moi et sur ces images-là, il ne cherche pas à  » faire partir  » mais bien à trouver la bonne situation pour déclencher son offensive.
  • La position de la jambe arrière étant le point d’appui du départ de l’action offensive.

Jerent pressing jambe arrière
Enrico Garozzo : Déplacements et Préparations sur la base de la marche inversée.
  • Les déplacements ici sont très inhabituels.
  • Le pied avant effectue un petit déplacement et le pied arrière avance beaucoup, puis le pied avant avance de nouveau pour retrouver la position de garde.
  • La marche se fait sur 3 appuis.
  • Le pressing doit être fort pour l’adversaire puisque 2 fois il déclenche une fente. Ce type de pressing correspond également au système défensif qui s’appui sur la parade.

Garozzo marche inversée

Conclusion

Ces séquences de travail de jambe doivent nous inciter à réfléchir sur les exercices que l’on propose et sur la flexibilité dont on doit faire preuve avec nos  élèves.

En effet, il n’y a pas une vérité que l’on pourrait modéliser si l’on observait une seule et unique technique. On constate que si le but poursuivi reste souvent identique les coordinations sont bien différentes et font la particularité des escrimeurs observés.  

Cet article a 2 commentaires

  1. sambonnet

    Merci pour ce site et pour la qualité de votre travail. De loin la ressource la plus intéressante et documentée à ce jour sur internet. Cela aide beaucoup le jeune épéiste vétéran que je suis. Keep it up!

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