Préambule
Lors de mon précédent article, j’ai évoqué la question de la prédominance, sur le marché, des têtes françaises allemandes ou autres, tout issues de la famille des têtes avec ressort de contact.
Je me suis étendu sur l’importance du réglage de la course et la difficulté de le faire avec précision en utilisant le mécanisme des pointes avec ressort de contact.
Pour ce nouvel article, je partage mon expérience sur le montage et le réglage d’une tête italienne qui fait partie de la famille des pointes à piston.
Ce principe peu connu et surtout peu répandu n’est pourtant pas nouveau.
D’après le compte rendu du congrès de la FIE de 1988, p 26, il est dit que Edoardo Mangiarotti aurait dessiné la première tête à piston en 1939.
Il était alors question d’uniformiser la tête de pointe d’épée en adoptant ce système à piston qui présente l’avantage d’être indéformable contrairement au système à ressort de contact.
Le but recherché, étant d’atteindre une meilleure équité entre les athlètes en uniformisant le matériel. Nous pouvons remarquer qu’aujourd’hui cette disposition n’a pas abouti.
Enfin, nous trouvons un article du président de la SEMI de l’époque, M. Sidney Roméo qui détaille ces têtes à piston, dans la revue escrime internationale 1992. https://issuu.com/fiemagazine/docs/1-1992/1
Quelques fabricants produisent aujourd’hui ce modèle de tête à piston conforme à la réglementation FIE, c’est-à-dire sans possibilité de réglage externe.
Je vais détailler ici le montage et le réglage de la pointe Senarmi homologuée en 2009. Vous pouvez trouver également une pointe ShermaSport, mais ne l’ayant pas testé je n’ai pas d’avis sur ce modèle.
Sachez en outre que je n’ai aucun accord avec ces marques et que cet article n’a qu’un but d’information.
J’ai monté cette pointe depuis 2011, sur mes épées ainsi que sur une quinzaine d’épées du Besançon Université Club, destinées à mes élèves. J’étais alors le maître d’armes du club.
Le prix de cette pointe est-il justifié ou non ?
Tout d’abord, il faut évoquer la question du prix. Cette tête complète est sensiblement plus chère que les têtes classiques. Ce sera à vous de juger si cet investissement se justifie. Pour ma part, je considère que le mécanisme du réglage de la course à lui seul le justifie amplement. Vous gagnez un temps considérable lors de la préparation de votre matériel en compétition et vous mettez à disposition de vos élèves des épées avec un réglage fiable et optimum. J’ai déjà détaillé mon point de vue sur l’importance du réglage de la course dans un précédent article.
Un mécanisme unique et fondamentalement différent de la tête avec ressort de contact.
En effet dans une pointe classique le circuit est ouvert et c’est le ressort de contact qui va fermer le circuit en entrant en contact avec les 2 plots. Tandis que pour le mécanisme « italien », un des fils est toujours en contact avec le ressort de pression, lui-même en contact avec le piston et la partie supérieure de la tête. Le circuit se ferme lorsque le piston entre en contact avec le second fil sous la pression d’une touche.
Aucune pièce n’est compatible avec les têtes classiques
Ne comptez pas échanger une partie quelconque d’une tête classique allemande, française, anglaise ou ce que vous voulez, avec le système italien.
Le fil porte contact est différent, l’embase, le ressort de pression aussi et la tête elle-même, bien évidemment. Quant au ressort de contact… terminé !! Il n’y en a pas.
Cependant, vous pourrez tenter votre chance avec les vis… parfois ça fonctionne 🙂
Enfin, sachez que ces pointes s’adaptent sur toutes les lames sans problème. Vous pourrez utiliser votre clé de 6 pour serrer l’embase sur la lame et les enfonce-plots français vont très bien pour pousser le plot au fond. Mais bon, une mèche à l’envers du bon diamètre fonctionne aussi très bien…
Présentation des différentes parties
La tête complète montée
L’embase
La tête de pointe
Fonctionnement du piston de la tête de pointe
On observera qu’il est monté sur un ressort afin d’amortir le contact lors de l’enfoncement de la pointe.
Le fil porte-contact
Le premier fil s’enroule dans la gorge d’une rondelle qui se place au fond du plot pastique isolant.
Le deuxième fil se termine par un tenon cylindrique placé dans un logement plastique creux qui le sépare et l’isole du premier.
On observe une petite gaine jaune qui n’a qu’un rôle technique pour maintenir les fils en place. Il faudra veiller à l’ôter lors du montage.
En cas de rupture de la lame, vous récupérez la pointe, mais également le plot plastique et les 2 systèmes de contact. Il est alors possible de commander le fil au mètre et de souder les fils avec un petit fer à souder et de l’étain.
Comparaison des différences de côtes entre cette pointe italienne et une pointe allemande
TABLEAU DE COMPARAISON DES DIFFERENCES DE CÔTES ENTRE LES POINTES | |
---|---|
Longueur de l’embase | |
Italienne | Allemande |
Epaisseur de l'embase | |
Italienne | Allemande |
Diamètre de l'embase | |
Italienne | Allemande |
Diamètre de la tête | |
Italienne | Allemande |
Analyse des différences de côtes
On peut remarquer des différences de côtes significatives pour l’épaisseur de l’embase et le diamètre de la tête.
Avec l’utilisation que j’en ai faite, selon moi il y a 2 conséquences :
- L’embase italienne est légèrement plus fragile et peut subir des déformations lors des impacts violents sur des surfaces dures comme la coquille adverse.
- Cet inconvénient ne s’applique qu’à certains tireurs et certains types de jeu.
- Pour ma part, ça ne m’est jamais arrivé, ni à aucun de mes élèves, mais j’ai observé une tête détériorée ainsi.
- Il est toujours possible de la récupérer avec un alésoir, mais cela dépend de la déformation.
- Il arrive que sur les têtes allemandes on ressente un phénomène de « grattage » de la tête dans l’embase lors de l’enfoncement.
- Sans doute dû à une détérioration de l’état de surface à l’intérieur de l’embase.
- C’est assez problématique puisque cela peut augmenter la résistance lors de l’enfoncement de la pointe ou gêner la remontée du peson lors du test effectué par l’arbitre.
- Selon mon vécu, cela n’arrive jamais avec la tête italienne.
- Il reste toujours possible d’ébavurer l’intérieur de la tête allemande avec un alésoir de la bonne dimension et retrouver un meilleur état de surface.
Réglage de la course de la tête italienne
Il faut comprendre que vous allez régler la distance entre le tenon au centre du plot et le piston de la tête comme on peut le voir sur l’image ci-dessous. Par conséquent, vous allez devoir réduire la longueur de ce piston en le limant.
Rectifier le plot de contact du fil
Dans un premier temps lors du collage il est très important de préparer le fil porte-contact.
Vous devez rectifier le tenon central du plot afin qu’il ne dépasse que très légèrement du plastique isolant. Environ 1/10 ou 1/20 de millimètre. Pour cette opération, j’utilise une pierre à grain fin, mais vous pouvez utiliser une petite lime ou du papier de verre scotché sur l’établi.
AVANT APRES
Une fois cette opération faite, vous pouvez effectuer le serrage de l’embase sur la lame et le collage comme vous avez l’habitude en veillant à bien pousser le plot au fond de l’embase. L’enfonce-plot français va très bien, mais un autre objet de la bonne dimension également.
Je rappelle qu’il faut impérativement ôter la petite gaine jaune qui maintient les 2 fils avant de la glisser dans l’embase. La rainure au bout de la lame n’étant pas assez importante pour laisser passer cette gaine. D’autre part, il est hors de question de limer la lame pour tenter d’y faire passer cette gaine. D’abord, sachez que c’est totalement interdit par le règlement international. Ensuite, comprenez que la rainure de la lame est volontairement réduite au minimum par le fabricant afin de limiter le risque de rupture de la lame à cet endroit ; ce qui présenterait, un danger majeur.
Ajustement de la longueur du piston de la pointe.
Comme pour le fil porte contact, vous pouvez frotter la tête de pointe sur une pierre à aiguiser ou de la toile émeri préalablement scotchée sur l’établi.
Il faut veiller à contrôler régulièrement la course avec un jeu de cale à bougie. Prenez votre temps au début, même si c’est long et n’oubliez pas qu’il n’y aura pas de retour en arrière.
Pour ma part et dès le début, je mesure la course qui peut aller jusqu’à 1,5mm. J’effectue alors une vingtaine d’aller-retour sur ma pierre et je teste de nouveau. Petit à petit, on atteint, 1mm, 0,8mm – 0,7 – 0,6 – 0,5.
Dès lors, il faut également contrôler avec une « vraie »pige. Si vous prenez le risque d’être à peine en dessous de 0,5mm, il faudrait avoir une autre arme, réglée à 0,4mm au cas où vous tombez sur une pige défavorable et un arbitre qui refuse de tester avec la pige de la piste à côté.
En outre, ce n’est pas la peine de s’énerver puisque l’arbitre a parfaitement le droit de refuser d’effectuer le test avec un autre matériel du fait même qu’une pige à une tolérance prévue par le règlement de 0.05mm. Par conséquent, si vous prenez le risque de régler votre course à 0.47, il faudra assumer qu’à ce petit jeu vous puissiez perdre. Ce ne sera alors pas la peine de faire un esclandre ou de vous sentir la victime d’un arbitre soi-disant trop tatillon et d’aller « pleurer » auprès de votre maître 😉 Je ne plaisante qu’à moitié …
Tête et pierre Poncage du piston Cales à bougie et controleur Contrôle de la course
Le ressort de pression
D’un diamètre inférieur à celui des têtes classiques, ce ressort de pression est en général assez bien taré.
Dans le cas contraire, vous faites comme vous avez l’habitude. Vous l’écrasez avec une pince, le brûlez, le limez, le laissez quelques années sous pression, le placez sous votre matelas…
Il n’y a pas de solution miracle !
Un problème connu lors du test avec la pige de 0,5mm
Si vous adoptez cette tête de pointe, vous serez forcément confronté un jour ou l’autre au problème de certaines piges lors du contrôle effectué par l’arbitre.
En effet, l’encoche au bout des piges est prévue pour se glisser de part et d’autre de la tête. Or vous avez pu remarquer que le diamètre de la tête italienne fait 1mm de plus que la tête française et allemande.
Les 2 piges que je vous montre ci-dessous sont toutes les 2 adaptées pour les têtes italiennes ou autres, mais il s’avère qu’on peut tomber sur des piges plus anciennes possédant une encoche de 5mm qui n’entre pas et n’entoure pas la tête italienne. Pourquoi de telles piges existent-elles ? Sans doute que les fabricants de piges ont pensé qu’il n’y avait qu’un seul modèle de tête de pointe sur le marché… le leur 😉
Dans ce cas, vous ne pouvez pas être pénalisé puisque la pige sert à mesurer la course et non la largeur de la tête. Dans le cas contraire vous pourriez réclamer un DT qui devrait vous donner raison. la plupart du temps, les arbitres d’épée connaissent ce problème et vont mesurer la course comme je vous le montre avec les 2 images ci-dessous
Pour conclure
J’ai essayé d’être exhaustif, mais toutes vos remarques seront les bienvenues.
N’hésitez pas à laisser des commentaires !