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LA SECONDE INTENTION OU LA CLÉ DE LA VICTOIRE.

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Cette intention stratégique, fréquemment mise en œuvre en assaut, est selon moi la dimension la plus intéressante de l’escrime. La seconde intention contribue à rendre l’escrime unique .

Pour autant, ce concept reste difficile d’accès et les définitions proposées dans les documents fédéraux de référence me semblent parfois hasardeuses.

Le Glossaire  propose « Se dit d’une action qui tend à induire l’adversaire en erreur dans sa démarche tactique. ». Le Lexique précise : « Exploitation d’une réaction adverse prévisible provoquée par une action initiale qui permet l’anticipation ».

L’action la plus représentative des actions de seconde intention reste sans conteste le contre-temps.

« Procédé qui consiste à parer la contre-attaque adverse et passer à l’offensive. »

Néanmoins, ce n’est pas la seule action dite de seconde intention, comme nous le verrons plus loin.

Afin de mieux comprendre les enjeux, je vous propose tout d’abord une analyse des dernières touches de la « Remontada » de Park Sangyoung lors de la finale des Jeux olympiques de Rio en 2016.

JO RIO 2016, 5 touches consécutives pour un titre olympique

Park Sangyoung / Imre Geza

L’analyse détaillée des 4 dernières touches de la finale des Jeux olympiques de 2016 met en évidence la tactique de seconde intention. En ce qui concerne la 5ème touche et le point de la victoire, je vous laisse juge de l’intention de Park …

Chaque action est une merveille de construction tactique et démontre que le double à l’épée n’est pas une fatalité.

La 3ème touche de cette série met en évidence, selon moi, la lucidité de Imre dans cette fin de match contrairement à ce que certains ont pu dire. Il effectue lui aussi une action de seconde intention en réalisant la parade du contre-temps avec une prime extraordinaire. Le fait que sa riposte passe est improbable et démontre, s’il en est besoin, la part d’impondérable dans une finale olympique.

La 15ème touche reste un modèle d’insolence et de créativité qui relève du génie.

JO 2016 Park seconde intention

La seconde intention, tentative de définition

Les deux définitions vues précédemment sont très évasives. En effet, « induire l’adversaire en erreur » ou « exploiter une réaction provoquée par une action initiale » laisse la porte ouverte à de larges interprétations.

Par exemple, la feinte qui provoque la parade adverse pour la tromper, suivie d’une attaque, pourrait être considérée comme une action de seconde intention … Alors même que c’est une action avec une seule intention, exécutée le plus souvent en 2 temps, qui entre dans la famille des attaques composées.

Selon moi, les actions de seconde intention ont toutes un point commun : provoquer une offensive adverse pour en tirer parti.

Plus précisément, nous pourrions définir la seconde intention ainsi :

Projet tactique offensif qui consiste à :

  • provoquer une offensive ou une contre-offensive adverse
  • mettre en échec l’action par une défensive prévue
  • passer à l’offensive dans des conditions favorables.

Cette définition permettrait de clarifier ce concept et ainsi mieux appréhender certaines actions qu’on ne sait pas très bien situer. On pourrait ainsi classifier plus efficacement les : « il te fait partir », « provoque-le » « fait le déclencher »…

Les actions de seconde intention entreraient alors toutes dans le schéma qui suit :

  1. Provoquer : la contre-attaque (arrêt, dérobement), l’attaque sur la préparation, la riposte
  2. Défendre (au sens large) :
    1. avec le fer : parade, parade composée, coup de temps
    2. avec l’esquive ou la distance : dessous (petit bonhomme), latérale (in-quartata), retraite (faire tomber dans le vide)
    3. avec sa pointe : en utilisant le temps de blocage de l’appareil
  3. Passer à l’offensive : riposte, contre riposte, arrêt (contre arrêt), attaque.

Pour tenter une simplification, nous pourrions considérer que « l’intention » voudrait dire : « l’intention de la touche ».

Ainsi, lorsque le tireur attaque, il a l’intention d’aller toucher et tout ce qu’il fait pour y parvenir est une première intention.

Dans l’hypothèse où le tireur veut provoquer une offensive de son adversaire, il utilise alors l’intention de son adversaire de le toucher, pour se défendre et placer sa touche.

Il y aurait alors 2 intentions de touche, ce qui pourrait constituer ce concept de seconde intention.

En quoi la tactique de seconde intention est-elle efficace ?

Lors des assauts en escrime, nous pouvons considérer que le rapport de force entre l’attaque et la défense est équilibré.

En effet, les techniques d’attaques et de défense sont très élaborées et l’on ne peut pas dire que l’une l’emporte sur l’autre à niveau équivalent.

Néanmoins on sait que les coordinations nécessaires pour réaliser ces actions offensives ou défensives sont complexes. Or, l’enchaînement des actions ajoute de la difficulté : la coordination nécessaire pour passer de l’attaque à la défense est plus compliquée du point de vue moteur qu’une situation ou il n’y a qu’à se défendre.

Par conséquent, provoquer l’offensive de son adversaire, c’est prendre un risque qui reste équilibré puisque la défensive est égale à l’offensive. Mais c’est ensuite prendre un avantage considérable pour l’offensive qui va suivre.

D’autant plus que l’anticipation est le fait de celui qui provoque. Celui qui attaque doit, s’il est mis en échec, réagir pour se défendre dans un laps de temps si court qu’il ne peut plus compter que sur ses réflexes ou ses automatismes.

Les actions de seconde intention en image

Le contre-temps « classique » à l’épée

Park Sangyoung / Redli Andreas

On voit cette action très commune qui consiste après une préparation à parer la contre-attaque.

On observera cependant une sorte de « pré – préparation » réaliser un peu avant le contre-temps. Il se trouve que cette action qu’on peut voir comme un test ou une prise d’information s’observe systématiquement lors des actions de 2de intention.

À mon sens cette préparation fait partie du piège. Il s’agit de marquer l’esprit de l’adversaire en lui indiquant qu’on va passer à l’offensive

Redli Park Contre temps classique

Le contre-temps au fleuret

Même si la convention du Fleuret donne une priorité à l’attaquant on observe régulièrement de superbes contre-temps dans cette arme

Race Imboden,

utilise fréquemment le contre-temps comme tactique de seconde intention.

Sido Alexandre,

réalise ici un contre-temps avec une riposte composée magnifique.

Contre-temps au fleuret Race Imboden
Sido Dosa CT compose

La parade de 2de intention

Certains font une distinction entre la parade de 2de intention (la parade de l’attaque sur la préparation) et le contre-temps (la parade de la contre-attaque), mais la différence est subtile.

Dans le cas où la contre-attaque se fait en fente, c’est l’intention de l’adversaire qui va définir si c’est une attaque sur préparation ou une contre-attaque.

En effet, si l’adversaire prépare réellement (marche feinte, recherche de fer) on a bien une attaque sur préparation). En revanche s’il fait réellement une attaque, on a alors une contre-attaque ; sauf bien sûr si c’est une fausse attaque…

L’attaque dans l’attaque est par définition une contre-attaque, et donc un abus de langage ! Tandis que l’attaque sur la fausse attaque est une attaque sur la préparation…

En fait, cette distinction est utile à mon sens pour clarifier les situations et les intentions tactiques.

Park Sangyoung / Ito Inochi

On pourra observer d’abord cette superbe parade de 2nd intention réalisée par Park.

Eric Srecki / Pavel Kolobkov

Ensuite on appréciera ce contre de sixte qu’Eric Srecki réalise en finale du Championnat du monde de 1997 au cap. Le score est de 12 à 13 en faveur de Pavel Kolobkov et il reste 15’’.

Park Ito Parade 2nd intention
Srecki Kolobkov parade 2nd Intention

Il exécute une première « pré-préparation » durant son pressing, puis la seconde préparation avec un bond avant qui fait déclencher l’attaque de Pavel Kolobkov. Il fait alors ce contre de sixte de toute beauté d’autant plus surprenant qu’il n’a quasiment fait aucune parade sur l’ensemble du match.

Le score revient à égalité et Eric remportera cette finale.

Une action de seconde intention née des errements de l’arbitrage au fleuret

Enzo Lefort

Je propose de comparer 2 actions de seconde intention réalisée par Enzo Lefort qui montre la palette technique des fleurettistes et l’adaptation des tireurs à l’arbitrage .

Sur la première action, Enzo, pare la contre-attaque ou l’attaque sur la préparation et réalise le contre-temps dans sa forme classique.

Pour la deuxième action, Enzo presse le défenseur pour lui faire déclencher son attaque sur la préparation, mais ne se défend pas. Il cherche juste à toucher avant que le blocage de l’appareil.

Enzo Lefort contre-temps et autres au fleuret

Il utilise ici la façon de juger des arbitres qui considère qu’au fleuret aujourd’hui celui qui avance est prioritaire.

Le fait d’avancer n’est plus considéré comme une préparation par les arbitres de fleuret actuellement, mais comme une attaque. Dès lors, l’attaque sur la préparation devient une contre-attaque et n’est donc pas prioritaire.

Cependant, l’attaquant doit tenir compte de la difficulté de toucher dans le temps de blocage. Il doit être capable de trouver une cible alors que le tireur qui contre-attaque fait tout son possible pour parer ou cacher sa surface valable. Pour cette raison, les attaques sur la préparation existent encore au fleuret, mais si et seulement si elles allument seules…

Les quelques exemples où l’arbitre considère que celui qui avance perd la priorité sont devenus des exceptions et sont le plus souvent contestés. Les arbitres de fleuret ont créé une nouvelle convention avec des règles de priorité qu’il serait temps de mettre noir sur blanc ! Un nouveau RI 2.0, spécifique de cette nouvelle arme que, par ailleurs, je trouve devenue plus simple et plus spectaculaire 😉 Oups ! les puristes du fleuret vont me détester…

le contre-arrêt

Le contre-arrêt est une action de seconde intention. Pierre Thirioux le présente comme une action aux avancées.

« Exécuter plusieurs feintes d’attaque aux avancées pour provoquer la contre-offensive. Contre-attaquer en cavant la contre-offensive adverse à l’instant où elle va toucher. »

Escrime Moderne P 309

Je comprends cette vision du contre-arrêt, mais j’estime que cette action, sous cette forme, reste extrêmement rare.

En revanche, préparer pour faire déclencher la contre-attaque en fente que l’on peut aussi nommer attaque sur préparation et exécuter un arrêt est une action très utilisée notamment par les épéistes et les sabreurs.

C’est donc bien un arrêt de seconde intention qui prend un temps sur le temps. Et dans ces conditions, le contre-arrêt devient simple à utiliser et à enseigner.

Ronan Gustin / Song Hongjie

On observera la préparation pour faire attaquer et l’arrêt de Ronan qui réalise très souvent ce type d’action.

Gustin Song Contre arrêt

L’esquive dessous dite « petit-bonhomme« 

Eric Srecki, Fabrice Jeannet, Romain Cannone

Dans cette vidéo, on observe chacun de ces 3 champions exécuter un petit bonhomme.

Au travers de ces 3 situations de match, on remarque que cette esquive est le résultat de préparations destinées à faire déclencher une offensive ou contre-offensive (on l’appelle comme on veut), pour esquiver et toucher.

Seconde intention petit bonhomme

Cette analyse permet de comprendre que l’esquive dite « petit-bonhomme » n’est en aucun cas une action défensive.

C’est une action de seconde intention qui se réalise avec une préparation destinée à faire déclencher l’offensive adverse et ainsi pouvoir l’esquiver. Il serait parfaitement impossible d’esquiver une attaque sans l’avoir provoquée et donc anticipée.

Les autres actions de seconde intention

Dès lors que l’on accepte la définition des actions de seconde intention que je propose, il devient facile d’en trouver d’autres. Il suffit qu’une préparation provoque une offensive ou une contre-offensive adverse et d’en tirer parti.

La contre-riposte de seconde intention : attaquer dans une ligne, provoquer la parade riposte pour parer et contre-riposter.

Attaque sur le retour en garde : exécuter une 1/2 fente pour provoquer une attaque sur la préparation, la faire tomber dans le vide et attaquer sur le REG (retour en garde)

Contre arrêt de l’attaque sur le REG : fausse-attaque aux avancées pour provoquer l’attaque sur le REG et revenir en garde le bras allongé pour arrêter.

La fausse recherche de fer ou la fausse parade : Rechercher le fer systématiquement dans une ligne (en 8 par exemple) pour provoquer l’attaque par dégagement dessus et parer sixte.

Le dérobement de seconde intention : à l’épée, fausse attaque à la main dessous pour provoquer l’attaque avec prise de fer 4/8 sur la préparation, dérober dessus.

La seconde intention vue par différents auteurs, analyse et critique.

Mais qu’en est-il des notions de seconde intention avant la parution du Lexique et du Glossaire ?

Nous allons voir que différents ouvrages traitent de cette question de façon plus ou moins explicite.

ESCRIME Fleuret Epée Sabre

Raoul Clery, Escrime Fleuret Epée Sabre, 1965, ed Amphora.

Le maître Clery y consacre deux chapitres.

Il explique que pour toucher en attaque simple il faut des qualités physiques hors normes, de l’à-propos et du talent…

« Lorsqu’on ne se sent pas assez sûr de ses moyens physiques pour porter la première attaque, il ne faut entamer l’offensive qu’avec réserve, arrière-pensée… »

« la fausse attaque consiste, à l’aide d’une attaque simple ou composée, plus ou moins prononcée… à inquiéter l’adversaire, à l’obliger à réagir d’une manière déterminée à l’avance, et à utiliser sa réaction pour développer la botte finale. »

Chapitre fleuret : la fausse attaque, actions de deuxième intention P171-173

« Toutefois, la partie la plus difficile de cette étude de la deuxième intention réside dans l’exécution des contre-temps, actions qui sont destinées à agir sur les contre-attaques adverses. »

Chapitre sabre : la tactique de deuxième intention, le contre-temps. P373-378

Il décrit ensuite le contre-temps au sabre comme nous le connaissons.

Je reste cependant perplexe devant le fait que le contre-temps ne soit traité qu’au sabre et que la partie fausse attaque au fleuret soit réservée aux tireurs qui manquent de qualités physiques…

Nous savons pourtant que ceux qui ont de grandes qualités physiques vont probablement évoluer vers le haut niveau et dès lors, rencontrer des adversaires possédant eux-mêmes de grandes aptitudes…

On notera que Raoul Cléry a ajouté un paragraphe sur le contre-temps au fleuret dans la réédition 1995 de son ouvrage, chapitre fleuret « les contre-attaque le contre-temps » P180

Pierre Thirioux, Escrime moderne, 1970, ed Amphora

Il définit le contre-temps comme nous le connaissons et considère que :

« le contre-temps est l’action type de deuxième intention. »

Généralités aux trois armes P291. Chapitre 2 : le contre-temps.

Il s’attache à définir les fausse attaque, fausse parade, fausse contre-attaque.

« Elles ont pour but de provoquer des réflexes défensifs, offensifs, contre-offensifs et d’en tirer parti. »

Chapitre 3 : fausse attaque – fausse parade – fausse contre-attaque, P305.

Ensuite, il titre : la tactique de deuxième intention.

« l’art de provoquer cher l’adversaire des actions défensives, offensives ou contre-offensives et d’en tirer parti.

Chapitre 3 : la tactique de deuxième intention, P 306

Dans la partie étude tactique, Pierre Thirioux, donne des exemples d’attaques simples ou composées en deuxième intention P 307. Selon lui, le fait de faire une feinte en 1/2 fente (fausse attaque) pour provoquer une parade puis recommencer, mais en faisant une attaque composée et tromper la parade constituerait une action de seconde intention.

Il présente le même schéma pour les attaques au fer et les prises de fer en deuxième intention P308.

En fait dès lors qu’il y aurait une fausse attaque, tout ce qui suit deviendrait une action de seconde intention…si je comprends bien.

Si l’on suit son analyse, j’ai l’impression que tout devient « seconde intention ». En effet, tous les escrimeurs, un tant soit peu formés, vont effectuer des préparations pour tenter de lire le jeu adverse. Deviner une parade, limiter les réponses de l’adversaire, comprendre ces réactions. À mon sens ils ne font pas pour autant de la seconde intention, ils essayent juste de préparer leur offensive. Attaquer sans avoir jaugé son adversaire est le propre des débutants. On peut imaginer un coup de poker au « allez » de l’arbitre, mais ces actions sont rares.

Pour moi, l’analyse de Pierre Thirioux sur ce thème est approximative et néfaste à la compréhension tactique. Quelle que soit la préparation qu’on utilise, dès lors que le but est de toucher malgré la défensive adverse, que ce soit avant qu’elle ne se déclenche (attaques simples), en la trompant (attaques composées), en la retardant (attaque au fer), en l’empêchant (prise de fer) ou en la surpassant (remises reprises), nous sommes bien dans des actions de premières intentions.

Jean Joseph-Renaud, L’escrime, 1911, ed Pierre Lafitte et Cie

Sur la fausse attaque

« La fausse attaque sera à la fois vraisemblable et très retenue… Je pourrais multiplier les exemples de fausses attaques suivies de prises de fer ».

« Provoquer un arrêt et s’emparer du fer est très simple en théorie et extrêmement difficile en pratique. »

La fausse attaque, page 234

On comprend que l’auteur assimile bien la fausse attaque à une action de seconde intention destinée à faire déclencher la contre-attaque pour réaliser une prise de fer.

Cette conception est toujours très actuelle dans le jeu de l’épée.

Jean Joseph-Renaud, Traité d’escrime moderne, 1928, ed Leon Delevoye

« Nous allons nous occuper maintenant des fausses attaques destinées à provoquer une tension de l’adversaire. »

Chapitre la fausse attaque page 145, Le contre-temps page 149

La tension désigne l’allongement du bras sur l’attaque adverse, aujourd’hui la contre-attaque en rassemblant ou en rompant.

A. Grisier, les armes et le duel, 1847, ed Garnier frères

L’auteur décrit le contre-temps sans le nommé, dans un paragraphe sur les tireurs qui tendent à l’épée.

« les gens qui tendent à l’épée sont les plus faciles à combattre ; car il suffit de leur faire un faux temps dans une ligne couverte pour qu’ils se portent, en tendant leur épée, dans la ligne opposée ; comme on doit le prévoir, il est bien facile de parer et de riposter »

Les tireurs qui tendent à l’épée, P412

Il consacre un paragraphe sur le faux temps

« c’est une feinte employée pour faire tirer sur soi, ou pour inquiéter…Ils s’emploient pour s’assurer que l’adversaire ne veut pas tirer en même temps que vous…afin de parer et riposter dans le but d’éviter le coup double ».

Le faux temps, page 262

A.J.J Possellier dit Gomard, La théorie de l’escrime, 1845, ed J.Dumaine

Sur la fausse attaque :

La fausse attaque est une démonstration quelconque d’attaque … qui peut faire croire à l’adversaire qu’on va attaquer.

La fausse attaque est faite aussi dans l’intention d’engager l’ennemi à partir lui-même dans le jour qu’on lui présente à dessein, pour parer et riposter. »

De la fausse attaque, page 244

On a ici une description parfaite de la parade de 2de intention.

L. Barbasetti, L’escrime à travers les siècles et ma méthode, 1931, ed Librairie Italienne

L’auteur parle de première intention et précise :

« chaque tireur a sa façon de comprendre et de prendre le temps, comme chaque individu développe son initiative d’une manière qui lui est personnelle »

Chapitre 6, Action de première intention, page 310.

Il est intéressant de noter cette ouverture d’esprit quant aux spécificités individuelles. Pour ma part, je n’ai jamais lu ce type d’analyse dans l’école française. Ceci nous éclaire peut-être sur les conceptions profondes de l’escrime italienne…

Sur la deuxième intention :

« On appelle actions de seconde intention celles qui consistent à simuler une attaque, un mouvement, pour voir par là un peu de sa tactique. »

« Premier exemple :

Élève : marcher en feintant à la tête

Professeur : sur la feinte à la tête, arrêter dessous en coup de pointe.

Élève : Parer le coup d’arrêt par la seconde ou par le demi-contre de prime et riposter à la tête ou à la figure. »

la deuxième intention, page 326

Le contre-temps page 329

On a ici une parfaite description du contre-temps comme on le conçoit aujourd’hui.

Sur le contre-temps :

« Parmi les actions de seconde intention, nous comptons le contre-temps, ainsi nommé parce que, pour le faire, on exécute un coup d’arrêt de pointe ou un coup à la manchette à la place d’une parade »

Le contre-temps, page 329

En fait pour Barbasetti, le contre-temps est vu comme le contre-arrêt : contre-attaque de l’attaque sur la préparation.

C. Prévost & G. Jolivet, l’escrime et le duel, 1891, ed Hachette

Sur la fausse attaque :

« la fausse attaque est une attaque quelconque faite à demi, sans développement complet et sans chercher à toucher l’adversaire. Elle a pour objet … à le faire parer et riposter pour se ménager une contre-riposte, ou une remise, selon le cas ; ou lui faire une tension, ou prendre un temps, pour parer et riposter . »

De la fausse attaque, page 117

On retrouve ici aussi la notion de seconde intention qui découle de la fausse-attaque.

A la lecture de ces divers ouvrage, il apparaît que le concept de seconde intention existe depuis longtemps sous diverses formes.

Dès qu’un auteur a réfléchi sur l’escrime et qu’il dépasse la simple analyse de la technique, il aborde cette question notamment au travers de la fausse attaque.

Cependant, je m’étonne que les auteurs, plus proches de nous et régulièrement cités en référence, n’aient pas traité le sujet avec davantage de discernement. Raoul Clery le réserve aux tireurs possédant de faibles capacités physiques tandis que Pierre Thirioux perd rapidement le lecteur en considérant que toutes les préparations qui provoquent un réflexe pour en tirer parti sont des actions de seconde intention.

Il faudra attendre 2016 avec « l’esprit de l’épée », pour enfin voir apparaître une analyse détaillée des notions tactiques et stratégiques en escrime.

Remy Delhomme, Jean-François Dimartino et Frédéric Carre, L’esprit de l’épée, 2016, ed Amphora

En effet, les profils décrits par ces auteurs mettent des mots sur les tactiques utilisées par les escrimeurs. Chaque profil est décortiqué et expliqué pour devenir enfin concret pour le lecteur. Le jeu du « presseur », dont le but est de faire partir son adversaire, utilise systématiquement une tactique de seconde intention.

Le Presseur, prend l’initiative de rentrer dans la distance d’action pour défendre.

Le Presseur effectue donc un pressing, plus ou moins fort, mais toujours dans le but de faire partir son adversaire

L’esprit de l’épée, P 48

La définition de profils évolués (page 51) met en évidence des tactiques complexes et permet enfin de mieux appréhender le jeu de l’escrime.

POur conclure : Pas de seconde intention sans premières intentions !

La notion de seconde intention n’est que le fait de tendre un piège à l’adversaire. Il s’agit de lui faire croire que l’on va faire une attaque, une parade ou autre.

Pour que le piège fonctionne, il faudra nécessairement avoir réalisé plusieurs actions offensives ou défensives en première intention au cours du match, qui ne seront pas des fausses attaques ou de fausses quelque chose.

À mon sens, c’est parce que vous êtes capables de faire une attaque simple poussée à fond qui touchera ou mettra en danger l’adversaire que la prochaine fausse attaque sera crédible.

Les tireurs qui font systématiquement de la seconde intention sont souvent pris à leur propre piège.

La seconde intention est réservée à des moments clés dans un match, le début, la fin, pour recoller au score pour faire la différence… elle est le signe des tireurs expérimentés.

Les sports de combat et plus particulièrement l’escrime sont le terrain favori de ces stratégies évoluées. En effet, l’absence de préhension, de percussion ou d’une domination physique de l’adversaire, offre un champ inégalé pour ces stratégies cognitives que d’aucuns assimilent à une partie d’échecs.

L’escrime est le seul sport de combat sans catégories de poids. Elle permet à un large panel de personne jeune, moins jeune, homme, femme de « tirer ensemble ». Les morphotypes n’existent pas ou sont remis en question régulièrement. Romain Cannone en est une preuve vivante.

Ceci contribue au charme de l’escrime et un avantage considérable de cette activité pour la formation et l’éducation des jeunes.

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